Jacaranda de Gaël Faye et Houris de Kamel Daoud, dans la première sélection au Prix Goncourt : on vous dit pourquoi on aime

1. Jacaranda, le nouveau roman de Gaël Faye

Tout n’est pas tranché. La vie est sinueuse et les sentiments ambivalents. On le mesure en suivant Milan, le narrateur de Jacaranda, le nouveau roman de Gaël Faye.

Milan a 12 ans et un quotidien de collégien qui doit justifier de mauvais résultats scolaires et passe ses vacances chez ses grands-parents, sur l’île de Ré. C’est à cette période que le Rwanda entre dans sa vie « par la télévision ». Le journal montre des « images de mort, de violence et d’exode ». Milan aurait pu, aurait dû entendre parler du Rwanda bien avant et bien autrement. C’est en effet le pays d’origine de sa mère. Mais celle-ci a toujours entretenu le plus grand silence à ce sujet, véritable tabou dans la famille.

Le fils unique croit se trouver un frère, un ado accueilli dans la famille, qui disparaît aussi subitement et mystérieusement qu’il était entré dans sa vie, décidément pas aussi banale qu’il le pensait. Encore moins quand un jour, un été de l’adolescence, le rituel des vacances est bousculé : ses parents décident qu’il ira avec sa mère au Rwanda.

Un choc pour Milan, qui va apprendre et grandir d’un coup. Retrouver son frère éphémère et nous faire partager l’histoire, la tragédie du génocide dans toute son horreur. Et aussi l’après, le dialogue compliqué, les silences qui perdurent, les bonnes volontés et les moins bonnes, les procès…

Dans un style simple et direct, Gaël Faye décrit la force de l’amitié et de superbes paysages. La nécessité de trouver des refuges aussi, comme l’arbre, le jacaranda pour la jeune Stella. Il écrit « les grands brûlés de l’effort de reconstruction » qui peuplent l’hôpital. Mais aussi une  certaine douceur de la vie qui tente de l’emporter, malgré tout, et surtout une humanité qui déborde…

La tragédie, les atrocités de la violence, on les retrouve dans le roman de Kamel Daoud, Houris.Kamel Daoud. Photo d'archives Rémi Dugne 

À la différence de Milan, la narratrice Aube a été à la fois victime et témoin de l’horreur. Une enfance dévastée, puis sauvée par les médecins et une nouvelle mère, la première ayant été tuée lors du terrible massacre qui a détruit toute sa famille et bon nombre d’habitants de son village algérien.

Aube, elle, a survécu. Mais conserve une longue cicatrice sur le cou, une canule qui laisse passer l’air, et est presque muette, ses cordes vocales blessées par l’égorgement. Aube, devenue une jeune femme, vit à Oran et s’adresse à l’enfant qu’elle porte. Tente de lui raconter ce qu’a vécu l’Algérie pendant les années 90. Les massacres, l’horreur d’une guerre. Et le silence officiel installé depuis. Les morts dont le nombre même est caché. Et tous les blessés, les cicatrices des corps et des âmes. Les interdits qui emprisonnent les femmes.

Le roman est dur et sinueux. Le chemin vers le futur passe par le passé, ses violences et ses méandres. La langue poétique de Kamel Daoud nous guide dans cette nécessaire mémoire. 

Pascale Fauriauxpascale.fauriaux@centrefrance.com

Jacaranda de Gaël Faye, Grasset, 288 pages, 20,90 €. Houris de Kamel Daoud, Gallimard, 416 pages, 23 €.