A Ussel, pourquoi l'Institut de formation des aides-soignants (Ifas) peine t-il à attirer les étudiants ?
«J’ai du mal à comprendre pourquoi nous n’avons pas de candidatures… » Dans son bureau de l’Institut de formation des aides-soignants (Ifas) accolé au centre hospitalier d’Ussel, la directrice Florence Girard s’interroge. Alors que la prochaine session de formation doit commencer en janvier, « très peu » de candidats se sont inscrits. Une situation qui peut mettre en difficulté la chaîne de soins.
Deux rentrées par an, en septembre et janvierL’Ifas d’Ussel, contrairement à ceux de Tulle et Brive, compte deux rentrées par an : l’une en septembre pour un diplôme en juillet de l’année d’après, l’autre en janvier pour un diplôme en décembre. « Normalement, nous pouvons accueillir jusqu’à cinquante places par promo, confie Florence Girard. Dans la promotion qui a commencé en septembre, ils sont 25, c’est égal aux promotions précédentes… » Mais pour la rentrée de janvier 2025, la directrice n’enregistre que quelques pré-inscriptions.
Deux promotions par an, est-ce trop ?« Non », rétorque la directrice, qui veut garder ses deux promotions annuelles : « Nous sommes sollicités par le ministère pour faire deux promotions par an afin qu’il y ait toujours des sorties d’aides-soignants diplômés pour répondre aux besoins des établissements, explique-t-elle. Nous avons donc fait le choix de garder deux promotions par an. » C’est aussi pour l’établissement un choix financier. « Ne pas avoir deux promotions par an, ne pas avoir assez de monde, cela signifie ne pas être rentable et cela m’inquiète… », ajoute Florence Girard.
Formation exigeante, débouchés assurés
Pourquoi si peu de demandes ?La directrice s’interroge : « Peut-être est-ce un métier trop difficile ? Que les gens ont des ambitions trop importantes et vont vers le métier d’infirmière sans penser à celui d’aide-soignant ? » Pour elle, l’image véhiculée sur le métier d’aide-soignant est erronée, mais très ancrée : « C’est un métier qui n’est pas assez valorisé, confie-t-elle. On pense souvent que l’aide-soignant ne fait que des toilettes toute la journée mais c’est faux. Il faut casser cette image. »
L’aide-soignant, un maillon essentiel dans la chaîne de soins« Il est les yeux et les oreilles de l’infirmer », aime à répéter Florence Girard. « L’aide-soignant est dans la proximité avec le patient, il fait des soins qui lui permettent de tisser de la confiance, d’obtenir des confidences et cela est une aide précieuse pour les infirmières. Il est essentiel dans la chaîne de soins d’avoir des aides-soignants. » Dans un Ehpad, par exemple, l’aide-soignant « effectue les transmissions, réveille les personnes, les prépare pour le petit-déjeuner, fait l’hygiène, le confort des lits, aide aux repas… » Et depuis 2021, il a vu de nouveaux gestes lui être attribués : « Ils font des prises de tension, de température, de saturation en oxygène, des taux de glycémie… C’est un métier complet, mais qui impose de travailler le soir, la nuit même si de plus en plus d’établissements ont instauré la journée de travail de 12 heures. On travaille trois jours et on en a deux de repos… »Depuis 2021, les aides-soignants pratiquent davantage de gestes techniques qui imposent une formation soutenue.
Qui peut devenir aide-soignant ?Les profils sont divers : des personnes qui n’ont pas de diplôme, qui ont un bac pro Accompagnement, soins et services à la personne (ASSP) ou un bac pro services au territoire, ou tout autre bac. « On peut aussi avoir des gens dont la candidature n’a pas été retenue par Parcoursup pour intégrer un Institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) et qui peuvent tenter intégrer un Ifas », précise la directrice, ajoutant que beaucoup d’établissements de soins (Ehpad…) ou France Travail prennent financièrement en charge la formation.
Comment s'inscrire ?Les candidats peuvent envoyer à l’Ifas d’Ussel une lettre dans laquelle ils décrivent une situation vécue et liée aux soins ou à l’aide, une lettre de motivation et un CV. Le dossier peut être déposé jusqu’au 22 novembre. Après étude du dossier et entretien, les candidats retenus le sauront le 29 novembre.
Un accompagnement personnalisé. C’est ce que soulignent les étudiantes rencontrées à l’Ifas d’Ussel. Parmi elles, Valérie, qui était jusqu’alors aide médico psychologique en unité psy dans un Ehpad du Puy-de-Dôme et Magali, qui travaille dans un Ehpad du Cantal. Les deux femmes sont entrées à l’Ifas d’Ussel en janvier dernier et seront diplômées en décembre prochain. « Je cherchais un complément de connaissances et de formation », souligne Valerie, 43 ans, tandis que Magali, 37 ans et ancienne coiffeuse, a « trouvé sa voie en travaillant dans un Ehpad mais avait besoin d’être formée ». Ensemble, elles suivent donc les cours à Ussel. « L’établissement est à l’écoute, dès que nous rencontrons un souci, les formateurs sont là », confie Valérie, sous l’acquiescement de Magali : « ils sont très accessibles et ils ont la capacité de s’adapter à chaque élève. » Les étudiantes le constatent : la formation est lourde : « Il y a beaucoup de choses à apprendre, des gestes… Avec le nouveau référentiel de 2021, l’aide-soignante a davantage de tâches à réaliser, des actes techniques comme la glycémie capillaire, la prise de tension, l’aspiration trachéale… C’est un bon compromis pour ceux qui hésitent entre aide-soignant et infirmier. » Quand elles seront diplômées, elles retrouveront dans un premier temps leurs deux Ehpad qui ont financé leur formation. Avec un même sentiment : « On a appris ici qu’on pouvait se surpasser. On a gagné en confiance. »
Estelle Bardelot