Une Rolls-royce pour les limousines à Beaulon
Dans une autre vie, Marie Bailly a travaillé comme commerciale dans l’aliment du bétail. Mais sa vie depuis toujours, c’est la ferme familiale de l’Hôpitaux où elle a grandi à Beaulon. Impossible d’oublier et d’abandonner ses racines terriennes : « Quand mon père est arrivé à l’âge de la retraite et qu’il nous a dit vouloir vendre l’exploitation, ça m’a piquée : on ne pouvait pas perdre ce savoir-faire formidable. Ma famille est installée depuis quatre générations et ma grand-mère, Thérèse, a été l’une des premières agricultrices déclarées en GAEC, ce qui était plutôt rare à l’époque ».
Une autonomie totaleTerre à terre, Marie et son frère, Pierre, décident en tête-à-tête de plaquer leur boulot respectif pour perpétuer la saga des Bailly : « C’était une décision commune, explique la jeune agricultrice. Lui tout seul ne l’aurait pas fait. Moi, toute seule, je ne me serais pas non plus lancée dans l’aventure ». Soudé et volontaire, le binôme Bailly arrive avec des idées nouvelles et toute l’énergie de la jeunesse :
On a remonté des bâtiments, la ferme a doublé de surface et nous sommes passés d’un cheptel de bovins charolais à un cheptel de bovins limousins.
Marie et Pierre incarnent une nouvelle génération d’éleveurs dynamiques et inspirés. Leur ferme est une Rolls-royce pour leurs limousines. Avec un credo insubmersible sur leur exploitation de cinq cents têtes dont deux cents mères : « Continuer à faire de la bonne viande ! » Mais aussi la commercialiser en vente directe. Parce que les deux éleveurs ont le goût des autres. Ils aiment se nourrir des contacts humains avec leurs clients. Et puis, tout simplement, Marie raconte que la vente directe donne du sens et du sel à leur métier : « Me lever en pleine nuit pour faire vêler une vache pour, qu’un jour, elle parte anonyme dans un camion, sans jamais savoir si le fruit de mon travail est bon ou mauvais, je trouvais ça sans intérêt. Donc, il fallait commercialiser nous-mêmes le produit fini ». Pour Marie et Pierre, l’objectif, le seul, l’unique ? « Le goût et la texture ! Lorsqu’elle est dans la poêle, la viande doit rester à la fois savoureuse, tendre et compacte ».À l’arrivée, l’autonomie est totale pour écouler, sans intermédiaire, cette viande qui va bien au-delà d’un simple produit :
Elle est le résultat d’un travail de passion et représente notre identité.
Ou quand une démarche personnelle répond à une demande sociétale. En l’achetant à la ferme de l’Hôpitaux, les clients connaissent l’origine de la viande et apprécient la qualité supérieure d’un animal élevé avec amour et respect. Apprendre à connaître ce que l’on mange. C’est dans l’air du temps. Marie et Pierre, ça leur va bien comme ça. Car leur viande est unique, qu’elle est le résultat d’un labeur acharné et l’essence même de leur ferme.
Ce qui vous attend au Sommet de l'élevage de Clermont-Ferrand, du 1er au 4 octobre
D’un coup de fourchette, vous pouvez le vérifier dans votre assiette. Allez, par ici rosbif, entrecôte, basse côte, faux filet, filet de bœuf, saucisse de bœuf, bourguignon, préparation bolognaise... Tout se joue dès le départ. C’est-à-dire dès la fourche. Marie et Pierre favorisent une alimentation saine et diversifiée. Leur ferme s’étend sur 330 hectares, dont la majeure partie en prairie à flore variée, avec des animaux pâturant d’avril à décembre. Frère et sœur cultivent du blé, de l’orge, du maïs, du triticale, des céréales utilisées pour leur bétail.
Grâce à leur fabrique d’aliment, les éleveurs peuvent ajuster la nutrition de leur troupeau pour garantir à la fois la santé de leurs animaux et la qualité de leur viande.?Joli bonus, grâce à leur fabrique d’aliment, une imposante installation campée sur leur exploitation, ils peuvent ajuster avec précision la nutrition de leur troupeau pour garantir à la fois la santé de leurs animaux et la qualité de leur viande de génisse et de vache : « On essaie d’arriver à un résultat vraiment persillé », précise Marie. L’objectif, le seul, l’unique ?
« Le goût et la texture ! Lorsqu’elle est dans la poêle, la viande ne doit pas se transformer en flotte, elle doit rester à la fois savoureuse, tendre et compacte. Je pense que, là, on n’est pas mal ! »
Expliquer son travailPourquoi ? Comment? Si vous venez les voir pour la première fois, Marie et Pierre se feront un plaisir de vous embarquer dans un petit tour du propriétaire. Ils considèrent que c’est aussi leur devoir : «On veut que les clients connaissent notre historique, notre ferme et s’imprègnent de notre travail. Nous voulons qu’ils comprennent pourquoi la viande à ce goût-là ; que tout est lié à des choix que nous avons fait en amont; que rien n’est dû au hasard. Que c’est notre produit de A à Z ! Parce que ce sont nos céréales, parce qu’on fait naître l’animal, parce que nous le nourrissons et l’élevons jusqu’au bout ». Marie BAILLY, éleveuse de vaches limousinesLes bovins partent ensuite à l’abattoir de Luzy (Nièvre) où leur viande est également transformée dans un atelier de découpe juste à côté. Le tout revient à Beaulon emballé sous vide et prêt à consommer. Traçabilité, vous avez dit traçabilité ? La ferme de l’Hôpitaux en est l’illustration parfaite : «Nos clients peuvent voir les veaux qui viennent de naître. Ensuite, ils peuvent suivre l’évolution des animaux pendant quatre ans».
À une période où l’agribashing est devenu un sport national chez certains, cette transparence totale est aussi une façon de remettre l’église au milieu du village : « Nos bêtes, nous les aimons et nous en prenons grand soin !, s’exclame Marie. Chez nous, les clients se rendent compte qu’il faut quatre ans pour sortir de la viande vive. Que c’est beaucoup de temps, une énorme masse de boulot, voire un sacrifice personnel ».Prise de commande avec un client.Bref, toute une éducation du consommateur à faire. Marie constate régulièrement « une rupture complète » avec les générations nées à partir des années 1970 : « Bien souvent, les gens n’ont plus personne de leur famille dans l’agriculture. Ils ne connaissent rien du métier. Et puis, en même temps, pendant des années, les éleveurs n’ont pas communiqué, les fermes étaient fermées. Il y a un grand fossé qui s’est creusé ».
Une boucherie en projetMarie et Pierre, eux, vont continuer à s’ouvrir… En ouvrant leur propre boucherie dans le centre-bourg de Dompierre-sur-Besbre, à une dizaine de kilomètres de leur exploitation. Leur projet devrait aboutir l’an prochain. Une façon d’élargir l’assiette pour donner de la visibilité à leur production et développer sa commercialisation. Une façon, aussi, de rapprocher encore davantage les consommateurs de la source de leur alimentation. Les amateurs de bonne viande n’ont pas fini de se régaler.
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