Pourquoi un couteau géant créé à Thiers va-t-il partir en Argentine ?
"Thiers 2024 Tandil". Cette inscription est gravée sur le dos d’un grand couteau d’une quarantaine de centimètres, qui va bientôt décoller vers cette ville d’Argentine. Il accompagnera un petit groupe de Thiernois prêts à partir, du 12 au 20 octobre, pour cette ville coutelière d’Amérique du Sud.
Après Thiers en 2016 et 2018, puis Albacete en Espagne en 2022, Tandil accueille les quatrièmes Rencontres des capitales mondiales de la coutellerie. Entre 10 et 20 pays y sont attendus. Parmi eux, la France représentée par Thiers.
CadeauDominique Chambriard fait partie de cette délégation (*) et il n’arrivera pas les mains vides. Après l’avoir dessiné, il a créé ce couteau hors du commun, avec une lame en damas maison, un manche en bouleau, un guillochage fleuri sculpté par son employé Théo Buisson et cette inscription, liant pour toujours ces deux villes amies.
"On était parti sur l’idée d’une sculpture, mais on a préféré qu’ils puissent s’en servir, d’autant plus que l’Argentine est un pays de viande. Donc on a fait un couteau pliant, un couteau géant !", raconte l’artisan. Il compte offrir ce Thiers à la Ville de Tandil, de la part de la confrérie du couteau.
Je pense que quand on a la chance de faire partie d’un cercle de capitales de coutellerie, c’est bien de laisser une trace, poursuit-il. Les politiques passent, les œuvres restent. Il ne faut pas qu’on perde cette dynamique. Un jour, les descendants des couteliers diront : “à une époque, les grands-pères ont fait ça”.
Cartographie de l’offre de formationC’est justement pour l’avenir et les générations futures que ces rencontres ont lieu aujourd’hui. Au programme du séjour, figurent plusieurs projets. Le premier d’entre eux, c’est la réalisation d’une cartographie des offres de formation. Chaque capitale a fait son recensement et viendra le partager, pour mettre en évidence un réseau. Parmi elles, des villes très peuplées comme Tandil, qui a plus de 100.000 habitants, ou São Paulo, 12 millions. "Il s’agit de placer Thiers au centre du jeu, qu’il soit assez naturel, pour des gens qui travaillent dans la coutellerie, de passer par Thiers à un moment", explique Stéphane Rodier, maire et président de l’association des capitales mondiales.
C’est un rêve un peu fou parce qu’on n’est que 12.000 habitants et on se mesure à tout ce monde-là. Mais la différence, c’est que nous avons conservé tous les secteurs de la coutellerie, ce qui est assez rare. Les villes qui ont beaucoup grossi sont des capitales de la coutellerie, mais pas seulement. Pour Albacete par exemple, la coutellerie pèse aujourd’hui très peu dans leur économie. Nous sommes vus comme une référence car tous les corps de métiers et l’industrie sont toujours très bien représentés.
Pour cette cartographie, Thiers s’est entourée de l’Université Clermont Auvergne et de l’école d’ingénieurs Sigma.
Dans le cadre de ces rencontres, l’exposition itinérante de couteaux de chaque pays, présentée à Thiers et depuis deux ans à Albacete, va rejoindre Tandil. Un salon de coutellerie y sera organisé.
Avec le ministère des Affaires étrangèresCe déplacement concerne aussi en particulier Thiers et Tandil, au titre du "programme de coopération décentralisée" qui les unit. C’est le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères qui le chapeaute et finance le voyage de la délégation thiernoise. L’an dernier, ce sont les Argentins qui étaient venus à Thiers.
Une délégation argentine venue à la rencontre des couteliers thiernois
"Le but est de créer des ponts entre les territoires, reprend l’édile. Tandil a un secteur coutelier qui n’est pas négligeable mais dont l’appareil productif, artisanal, est vieillissant. Ils utilisent des aciers que nous ne travaillons plus aujourd’hui. Ils vont avoir besoin d’une évolution et de muscler l’offre de formation." Une école de coutellerie est en projet.
Donnant donnant, les Thiernois pourront s’enrichir d’une culture coutelière étrangère et apporter leurs conseils à leurs homologues sud-américains. Leur montrer tout le panel de couteaux fabriqués dans le bassin, leur parler du centre de formation, de la confrérie et du couteau Le Thiers. Un modèle, une marque, imaginés par les forces vives de la coutellerie thiernoise.
Retour sur l'histoire du couteau Le Thiers, ambassadeur de la cité bitord en France et dans le monde
SymboleLe cadeau de Dominique Chambriard veut aussi symboliser et expliquer cette démarche.
Je trouve que nous avons un rôle international à jouer et comme j’ai fait mon temps, c’est quelque chose qui me plaît maintenant, de voyager et de faire le bon Samaritain ! dit-il en souriant. Le Thiers à Thiers, pourrait être interprété par le Tandil à Tandil. C’est une sorte de témoignage qu’on leur apporte : vous pouvez faire ça.
Dans ses valises, le coutelier emportera aussi de la fourniture de la confrérie pour animer un petit atelier de montage de couteaux Le Thiers avec des Argentins.
"La force d’un couteau, c’est que c’est un outil tranchant qui est facteur de lien, conclut le maire. En coupant, il unit. Il y a une transmission qui dépasse le couteau en lui-même."
(*) La délégation est composée du maire de Thiers Stéphane Rodier ; du coutelier Dominique Chambriard, vice-président de la confrérie du couteau Le Thiers et membre de la Fédération française de coutellerie ; Laurent Béal, formateur au CFAI ; Quentin Fesselet, artisan coutelier, vice-trésorier de la confrérie et membre de la Jurande ; Florent Molle, directeur du musée de la Coutellerie de Thiers ; et Sylvie Lardon, universitaire.
Alice Chevrier