Trophées des entreprises de la Creuse : qui est cette opticienne lunetière qui vous en fait voir de toutes les couleurs ?
Ne voyez pas dans l’activité d’Anne-Lise Bertrand une revanche sur le passé. Certes, quand elle était petite, elle n’avait guère le choix pour ses montures de lunettes mais « pour moi, dit-elle, c’était l’opticien, et pas l’ophtalmo, le magicien. C’était lui qui me permettait de voir ».Cette opticienne formée dans les Deux-Sèvres avec le dernier compagnon lunetier comme prof d’atelier, a appris « tous les rudiments » avant de remporter le concours Delarbre lunettes en 2012 : « On nous donnait un jeton (un œil de lunette) et une dimension de nez à respecter et après on faisait tout ce qu’on voulait. C’est comme ça que j’ai sorti ma première monture et que j’ai eu envie de continuer. J’avais fait mon alternance chez un opticien traditionnel mais la création collait vraiment à ce que j’aimais ».
Alors après deux, trois emplois successifs chez des opticiens, la jeune femme a décidé « de monter son entreprise pour, à la base, fabriquer des lunettes pour les professionnels. J’ai commencé à Perpignan puis j’ai rencontré Bruno (Cecchini, chef de l’entreprise ID Conception qui conçoit des machines pour opticiens) pour lui faire réparer une machine d’occasion. Et je me suis installée avec lui à Ambazac et j’ai vraiment commencé à développer mon activité à partir de là ».
Pour les opticiens comme pour les particuliersDepuis 2019, le couple fait aussi atelier commun dans la Creuse et Anne-Lise a vu sa clientèle s’élargir. « Au départ, ce service n’existait que pour les opticiens. Puis, chemin faisant, on m’a demandé des formations puis j’ai eu des demandes de particuliers pour des montures comme pour des verres. » Pour répondre à un besoin technique ou à une simple envie esthétique : nez trop gros, « oreilles derrière la tête » ou plaisir d’assortir ses lunettes à sa robe de mariée…
"J’ai aussi des personnes qui me font refaire des montures de vingt ans qui n’existent plus."
Selon le modèle et les matériaux choisis, les prix s’échelonnent entre 480 € (380 € si le modèle existe déjà) et 5.000 € pour les montures en écailles de tortue : « Soumises à autorisation préfectorale et d’un stock datant d’avant 1973, précise-t-elle. Ce sont même les lunettes les plus écolos qu’on puisse faire puisque pas de bilan carbone, biodégradables à 100 % et réparables quasiment à l’infini ».
Elle travaille aussi l’acétate de cellulose, la corne de buffle (du déchet d’alimentation) mais quel que soit le matériau choisi, elle reçoit ses clients de la même manière.
"On regarde ensemble, on voit ce que vous aimez, je regarde le caractère, introverti ou pas… On fait un premier choix sur les formes, puis un pré-choix sur les couleurs. Je fais des photos, prends des mesures. Après, je dessine et j’envoie des photos par mails. Je peux passer cinq heures sur une monture classique mais cinquante sur une plus originale."
Comme celle qu’elle a sur le nez ce jour-là. « En général, j’essaie de m’en faire une nouvelle pour chaque Salon de l’optique. C’est ma carte de visite ! »
Et ça marche. Aujourd’hui, Anne-Lise Bertrand travaille avec des opticiens dans le monde entier. Elle en forme aussi bien au-delà de l’hexagone. Il faut dire qu’en France, « des opticiens qui fabriquent pour leur clientèle, on doit être 200. Et des ateliers qui fabriquent à la demande, on est cinq ! ». Aujourd’hui aussi, grâce à la dernière machine inventée par son mari, elle récupère les chutes des nouvelles plaques (fabriquées elles-mêmes à partir de chutes de plaques) pour faire colliers porte-lunettes et bracelets. Avec un objectif affiché de 100 % de réutilisation !
Trophées des entreprises
BAL Créations est nommée dans la catégorie Artisanat des Trophées des entreprises de la Creuse 2024 qui auront lieu le 12 novembre à Guéret. Les inscriptions pour participer à la soirée seront ouvertes à partir du 12 octobre.
Séverine Perrier