Obésité : avec Wegowy, "d'une situation pleine de désespérance, on passe à une situation pleine d’espoir parce qu’il y a du résultat"
Le docteur Saïd Bekka voit dans le Wegovy « un outil majeur » dans le traitement de l’obésité, et « une lueur d’espoir » pour les patients. Explication avec cet endocrinologue, diabétologue, nutritionniste, de l’Institut de diabétologie et nutrition de Mainvilliers (Eure-et-Loir).
À qui s’adresse ce médicament ?Les bénéficiaires sont les personnes qui ont un indice de masse corporelle (IMC ou BMI) supérieur à 35 et qui ont moins de 65 ans. L’IMC, c’est un calcul, qui va déterminer votre degré de « gravité » par rapport aux poids. Entre 25 et 30, vous êtes en surpoids ; au dessus de 30 et 35, vous avez une obésité de classe 1 ; entre 35 et 40, vous êtes dans une zone critique et au-dessus de 40, c’est une obésité qui génère beaucoup de soucis de santé. L’obésité est une maladie sévère, qui occasionne de nombreux décès, ou du moins de nombreux handicaps. C’est une maladie chronique. Jusqu’alors, nous avions, pour aider les patients, des remèdes qui fonctionnent bien et sont toujours d’actualité : bien manger et bien bouger. Mais on espérait avoir un booster qui permettait d’accélerer un peu le bénéfice pour les patients. On l’a avec cette molécule qui a comme mérite d’augmenter la perte de poids.
Le Wegovy est-il réellement aussi prometteur qu’annoncé ?Comme on est un centre d’expertise sur le diabète et l’obésité sur la région Centre, on a la chance d’avoir utilisé le traitement sur une trentaine de patients, depuis 18 mois, avec des résultats intéressants et pertinents sur la perte de poids. Toutes les études internationales ont démontré, quand les patients sont répondeurs, qu'on est à peu près sur 20 % de perte de poids sur un an de traitement.
Est-ce qu’on a assez de recul sur les effets secondaires ?Oui ! Ce n’est pas un médicament inconnu. On connaissait son petit cousin l’Ozempic. Et surtout, il était testé depuis des années. Nous, on a eu la chance de l’avoir utilisé pendant dix-huit mois, ici. Et d’autres équipes, notamment à l’internationale, l’ont fait depuis longtemps.
C'est stimulant pour les patients ?L'obésité, c’est un cercle vicieux. Je suis avec un problème de poids, donc je ne peux pas trop bouger. Je n’ai pas souvent une bonne image de moi donc je commence à prendre du poids, je me dis à quoi bon perdre du poids parce que c’est compliqué. J’enchaîne désillusions, reprise de poids... Avec ce médicament, associé au bien manger, bien bouger, vous changez ce cercle vicieux en cercle vertueux. Je commence à perdre du poids, donc je vais mieux, donc j'ai envie de faire plus attention... On change le paradigme. D’une situation pleine de désespérance, on passe à une situation pleine d’espoir parce qu’il y a du résultat.
Cela peut-il encourager les personnes en souffrance souffrant d’obésité, qui s'étaient résignées à faire le pas vers une prise en charge ?Je pense et je l’espère ! En réalité, l’obésité, ce n’est pas une fatalité, on peut l’améliorer. On a une nouvelle possibilité. D'autres possibilités existaient déjà, elles donnent des résultats probants sur le long terme quand les gens prennent le temps de s’occuper d’eux. C’est à mon sens un outil majeur qui va conforter les efforts que les gens produisent et leur donner une nouvelle lueur d’espoir.
Pour l’heure, il n’est pas remboursé par la Sécurité sociale, est-ce que ça peut être un frein ?Je ne suis pas sûr qu’un jour, il le soit pour tout le monde. Il est souhaitable que certains patients, qui ont un IMC très élevé, avec déjà des complications sévères liées à cette obésité, puissent bénéficier d’un remboursement, à l’instar des tensions artérielles sévères, de l’asthme ou des maladies chroniques. Le prix qui devrait avoisiner, dans la région, entre 200 et 230 € fait que ce médicament ne va pas être accessible à tout le monde. C’est vraiment une question de priorité qui peut s’entendre.
N’y a-t-il pas un risque de le voir détourné à un usage davantage esthétique que médical ?Ce risque existe. Mais la prescription n’est pas accessible à tout le monde, il faut une ordonnance. Ce n’est pas en vente libre. Seuls les spécialistes vont pouvoir délivrer ce produit et on est tous soumis à des contrôles. Il va y avoir une surveillance sur les bonnes règles de prescriptions : si vous n’avez pas un IMC supérieur à 35, vous n’êtes pas éligible à ce produit. Si vous avez 4-5 kilos à perdre, vous ne trouverez pas de Wegovy pour vous aider.
On a connu, ces dernières années, des pénuries de médicaments sur des pathologies graves, le fait que le Wegovy puisse être produit à Chartres est-il rassurant pour l’approvisionnement ?La réponse est chez Novo. Tous, patients et soignants, nous avons été désagréablement surpris de voir les manques importants dont la population a pâti, que l’on soit à Chartres ou ailleurs. J’espère, et je fais confiance à Novo là-dessus, que tout a été prévu pour juguler la demande rapide qu’il risque d’y avoir, mais avec un frein, pour le moment, le prix non remboursé. Dans leur grande sagesse, ils ont dû prévoir tout ça !
Un nouveau traitement contre l'obésité au CHU de Clermont-Ferrand
Quel conseil vous donneriez à une personne qui a des problèmes de poids ?Il y a des gens, peu nombreux, qui disent : ”je suis très bien avec mon poids”. S’ils veulent rester comme ça, c'est leur choix. Il faut néanmoins que tout le monde soit averti : l’obésité est une maladie qui peut donner lieu à des complications, ce n’est pas anodin. Deux tiers des décès chez les patients en obésité sont liés à des problèmes cardiovasculaires. S’ils sont volontaires, il faut faire une première approche avec leur médecin traitant. Avec un BMI moyen, en modifiant les règles alimentaires et en bougeant plus, on peut perdre 10 à 15 kilos. Et si ça ne suffit pas, si votre IMC est supérieur, le médecin guidera au mieux vers quelqu’un qui peut aider. Le médicament ne fait pas tout. Si en parallèle, on continue de manger des produits caloriques, on ne peut rien espérer de bon, si ce n’est faire maigrir mon portefeuille, et ça, ça n’a pas beaucoup d’intérêt.