Tornade en Creuse : un an et demi après, le château de Pontarion panse encore ses plaies
Il était à Hong Kong lorsqu’il a su, le vendredi 10 mars 2023, ce qu’il venait d’arriver, la veille, dans tout Pontarion comme sur son château. Le propriétaire Régis Darricau raconte : « la mairie m’a prévenu par mail qu’une tornade était passée là ! J’ai aussitôt regardé les infos sur Internet… Ma fille est montée de Toulouse le week-end suivant pour faire un état des lieux. Une première entreprise avait bâché notre toit en urgence pour le mettre hors d’eau. C’était sécurisé. Donc moi je suis venu en juin, après avoir gagné là-bas l’argent que je dépense ici… »
S’il est expatrié depuis longtemps pour ses activités de pilote instructeur au service de grandes compagnies aériennes, Régis Darricau est toujours resté attaché à ce château creusois qui est dans sa famille depuis près de cent ans. « Un grand-oncle l’a acheté en 1936 et y a fait un certain nombre de transformations plus ou moins modernes… Moi je m’en occupe depuis les années 1970 lorsque ma mère en a hérité. Et j’en suis devenu propriétaire il y a trente ans… Après moi, j’aimerais laisser le souvenir d’un propriétaire qui a fait ce qu’il devait pour transmettre ce patrimoine… » Mais, depuis la tornade, ce dessein est plutôt contrarié.
16 tonnes de tuiles d’un côté et zéro de l’autre : la toiture est déséquilibréeLe propriétaire cite l’exemple de la tour en façade. Dedans se trouvent l’entrée principale et le grand escalier en colimaçon desservant tous les étages. Elle est couronnée d’une couverture provisoire. « C’est le dernier chantier sur la toiture qui a eu lieu. C’était en 2010. Ça a tenu moins longtemps que ça aurait dû, c’est à refaire. » Et ce n’est pas encore le gros morceau. Dans les combles, tout en haut du corps principal, Régis Darricau pointe de sa lampe torche le dessous de l’immense charpente. « Il y a 16 tonnes de tuiles côté Ouest et zéro côté Est… Tout est déséquilibré et ça fait travailler aussi la poutre faîtière qui va être foutue », résume-t-il.
La tornade, est en effet venue de l’Est. Et ce que le vent tournant n’a pas arraché d’un côté, il l’a ébranlé de l’autre. Malgré les bâches disposées en mars puis en septembre 2023, des infiltrations ont désormais lieu et courent le long des murs porteurs… Faisant redescendre de l’humidité dans les étages inférieurs qui n’en manquaient déjà pas – le propriétaire a colmaté et surveille un certain nombre de fissures du passé.
C’est par exemple le cas autour du chemin de ronde, qui a la particularité d’être inclus sous le rebord du toit, et où l’on peut découvrir des colombages. En plus d’admirer une vue inédite sur le bourg et le Thaurion, dont le franchissement conditionna la création du château par la famille d’Aubusson, au XVe siècle.
La reconstruction de la charpente pourrait coûter 300.000 eurosC’est d’ailleurs parce que l’édifice est indissociable de l’histoire locale, et emblématique du territoire, que Régis Darricau croit aujourd’hui dans une mobilisation plus large pour le réparer. « Bien sûr que c’est du domaine privé. Mais si vous tapez Pontarion sur Google, vous verrez la première image qui apparaît ! », sourit-il.
Avant d’écarter les potentielles questions sur l’argent public : au titre de l’inventaire supplémentaire des monuments historiques, jusqu’à 20 % d’aide de la Drac peuvent être versés chaque année sur des chantiers soumis à de nombreuses conditions. « Ce fut le cas l’an dernier pour la mise hors d’eau. J’ai refait un dossier cette année pour financer le permis de construire du projet charpente. Mais je ne sais pas encore si ce sera accepté », résume-t-il.
La piste du mécénatEt au bout du compte, ce chantier-là pourrait s’élever à plus de 300.000 euros. Voilà pourquoi il envisage désormais la piste du mécénat. Le propriétaire s’est donc rapproché de la Demeure historique, une association agréée qui est pour le domaine privé ce que la Fondation du patrimoine est pour les bâtiments publics : une structure juridique qui peut recueillir des dons après avoir validé des projets au regard de leur portée patrimoniale, et qui se charge ensuite de payer les factures des artisans. Les mécènes gagnent en retour un avantage fiscal.
Le dossier du château de Pontarion n’en est pas encore là. Il faut d’abord ficeler le projet avec un architecte et des artisans. Des partenaires que Régis Darricau vient cependant de trouver, dans un état d’esprit creusois qui lui est cher. « On me suggérait des architectes en Haute-Vienne, je ne pouvais pas concevoir qu’il n’y avait pas cette compétence chez nous. Je l’ai finalement trouvé, il travaille certes à Lyon, mais il est le fils du médecin de Pontarion qui habite à 200 m et a toujours été notre médecin de village ! ».
Difficile de faire plus local aussi pour l’artisan : Roussy Avignon, basée à Ajain, et bien connue en Creuse pour se réalisations sur de nombreux chantiers monumentaux (en ce moment la Tour Zizim à Bourganeuf, la Maison Feydeau de Felletin…) L’entreprise familiale intervient au château de Pontarion depuis près de cinquante ans.
Floris Bressyfloris.bressy@centrefrance.com