Violences, humiliations, travail forcé... 19 personnes jugées pour avoir accueilli illégalement des enfants placés
Les faits
Les faits reprochés aux 19 prévenus ont été révélés il y a quelques semaines par la cellule investigation de nos confrères de franceinfo. Entre 2010 et 2017, une soixantaine d'enfants ont été placés par l'Aide sociale à l'enfance du Nord (ASE) dans des familles n'ayant pas d'agrément. Deux hommes, habitants de l'Indre, sont suspectés d'avoir orchestré ce système de placements, en accueillant les enfants et en les répartissant chez des proches.
Ces "familles", installées en Creuse, en Haute-Vienne et dans l'Indre, n'avaient pas ou plus le droit d'accueillir d'enfants, certaines après des condamnations pour agressions sexuelles. Et pourtant, via ces deux hommes, des dizaines de jeunes en grande difficulté leur ont été confiés ; et les accueillants illégaux ont été rétribués par l'ASE, plus de 600.000 euros au total, non déclarés au fisc.
Le début de l'enquêteSeptembre 2017. Un jeune garçon de 15 ans arrive à l'hôpital de Limoges grièvement blessé. Celui qui se présente comme son "tuteur" parle d'une "chute à vélo". Après plusieurs jours passés dans le coma, l'adolescent se réveille et demande aux personnels soignant de ne pas retourner avec cet homme, assurant qu'il est violent et le maltraite. Un signalement est fait, l'enquête commence.
Le calvaireLes enquêteurs identifient (difficilement) une vingtaine de victimes et remontent jusqu'au deux instigateurs de ces placements illégaux. Les jeunes étaient pour la plupart accueillis dans des conditions terribles, parfois en caravane ou sous une tente, sans eau. Ils ont reçu des coups de poing, des coups de pied, ont été frappés à la cravache et forcés à mettre la tête dans les toilettes.
L'ado qui a été admis à l'hôpital de Limoges a été violenté, forcé à travailler et humilié, on lui a uriné dessus.
Des anxiolytiques, neuroleptiques et antidépresseurs auraient aussi été administrés à plusieurs enfants, pour les calmer. Des médicaments qui auraient été obtenus via des médecins n'ayant jamais examiné les jeunes.
L'ASE n'est pas poursuivieLes représentants de l'ASE du Nord - qui avaient pourtant reçu des signalements - n'ont pas été renvoyés devant le tribunal, ce que déplorent les parties civiles. "Qu'est-ce qu'ils ont fait ? Rien, regrette Me Jean Sannier, avocat d'une partie civile, cité par France 3 Hauts-de-France. Ils n'ont vérifié ni l'agrément, ni même le casier judiciaire. Ils ne se sont pas inquiétés non plus des conditions dans lesquelles les enfants étaient accueillis, et ils ne les ont pas crus quand ils rapportaient les violences".
Et du côté des prévenus, Me Alban Briziou, avocat de la défense, assure qu'à l'ASE (qui dépend du Conseil départemental), on était "parfaitement au courant" de ce qu'enduraient les enfants.
Le procèsL'audience s'ouvre ce lundi 14 octobre et doit durer jusqu'au 18 octobre. Les deux principaux prévenus ont reconnu certains faits, minimisant toutefois et parlant de "recadrages".
Pendant cinq jours, la justice va tenter de déterminer précisément les responsabilités des prévenus et de comprendre comment un tel système a pu être mis en place, au détriment d'enfants déjà cabossés et désormais traumatisés.