Il a transformé son camping-car en salon de coiffure mobile : "Certaines mamies viennent même en pantoufles"
Marguerite est la première cliente de la journée. Elle a fait le trajet à pied depuis son domicile qui se trouve au sein du village de Lamothe, en Haute-Loire. Jonathan Héritier l’accueille avec un large sourire et l’invite à monter à bord de l’Hair Bus (*), son camping-car aménagé. "Tu viens pour ta couleur ?" La septuagénaire lui renvoie un sourire. "Comme d’habitude !"
La dernière coupe à la modeLe camping-car est stationné sur le parking de la salle polyvalente ou du village.Le coiffeur connaît bien sa cliente qu’il surnomme affectueusement "Guite". Il lui propose un café et l’invite à s’installer sur le fauteuil, avec bac et jet de douche, avant de passer au shampoing. Face à elle, une affiche vante la dernière coupe à la mode et, sur les étals, lotions, élixirs, sprays et autres soins démêlants se présentent sous leur meilleur jour. Entre le coiffeur et Marguerite, la discussion s’engage tout naturellement.
"Je connais bien sa famille, et Jonathan, je m’occupais de lui à la maternelle."
Le coin cuisine pour la préparation des couleursPour accéder au salon de coiffure, il faut passer par le coin cuisine, dont les préparations ne sont culinaires, mais capillaires. "C’est là que je façonne mes couleurs", indique le professionnel de 43 ans. Un pas de plus et le client pénètre dans la salle d’attente ou de pause, c’est selon. Un espace cosy où un écran de télévision diffuse des clips en boucle. "Je mets la chaîne Gulli lorsqu’il y a des enfants."
Sur la table, le dernier numéro de Paris Match trône parmi d’autres magazines people et de voyages. Géo est en bonne place également. L’application terminée, Marguerite vient s’y installer justement, côté hublot, pour profiter de la lumière extérieure. Puisqu’on vous dit que rien ne manque… L’étroitesse du véhicule n’est ici pas un souci. Cela lui confère un avantage : c’est chaleureux. "Je peux accueillir jusqu’à huit personnes", compte le coiffeur. Lorsqu’il fait beau, une table et des chaises sont même installées devant l’Hair Bus, face au soleil. L’attente prend ainsi des airs de voyage immobile.
Réfléchir à chaque détailLes clients sont chouchoutés comme dans un salon classique.Ce camping-car où rien ne manque, les Issoiriens le connaissent bien, eux aussi, puisqu’il sillonne régulièrement les routes puydômoises. Tout a été pensé, optimisé pour réunir le confort et l’équipement d’une boutique traditionnelle dans un tout petit espace. En lieu et place du salon de coiffure, situé à l’arrière du véhicule, se trouvait la chambre à coucher. "Il a fallu que je réfléchisse à chaque détail."
Véritable salon de coiffure roulant, sa conception n’a pourtant pas été une mince affaire. Jonathan Héritier étant plus habile avec une paire de ciseaux et un peigne qu’avec une paire de pinces et un tournevis. Néanmoins, avec de la volonté et de la persévérance, tout devient possible.
Un camping-car trouvé à ToulouseAvec 40.000 € en poche, il dégotte alors un Citroën Jumper Fleurette à Toulouse, forcément. Après quinze jours d’efforts, et l’aide de vrais bricoleurs, l’Hair Bus vole enfin de ses propres ailes. Voici donc cinq ans que l’artisan coiffeur a quitté le confort cossu d’une célèbre enseigne à Issoire pour lancer sa propre entreprise. Une décision difficile, mais qui s’est imposée au fil des ans.Lecture de magazines dans la salle d'attente.
"À force de coiffer les gens pendant une longue période, on s’attache à eux et certains, trop âgés, ne pouvaient plus se déplacer jusqu’au salon en centre-ville d’Issoire. Je ne voulais pas les laisser tomber. Alors, j'ai imaginé l’Hair Bus."
Le coiffeur itinérant se positionne à Issoire, puis démarche les communes alentour, tant sur le Puy-de-Dôme qu’en Haute-Loire. Le milieu rural est très demandeur et le carnet de "vol" se remplit très vite.
Réserver son siège pour une coupe de haut volJonathan Héritier a tout le confort à bord de son camping-car.Des mairies font appel à ses services sur ces territoires où les commerces ont fini par disparaître. L’épicier ambulant qui, autrefois, annonçait sa venue par un coup de klaxon, ne vient plus lui non plus. Alors, quand le camping-car de Jonathan serre le frein à main sur le "tarmac", devant la mairie ou à la salle des fêtes, c’est un événement rassembleur pour tout un village.
"C’est très important pour eux, comme pour moi. Je préviens de mon arrivée sur Facebook et les clients prennent rendez-vous. C’est très pratique. Certaines mamies viennent en pantoufles. Elles se sentent comme chez elles !"
Parfois, il se rend au domicile lorsque la santé d’un client rencontre quelques turbulences. "Il arrive même que l’infirmière emmène un client que je coiffe et, ensuite, je le reconduis chez lui", confie-t-il.
Vers une prochaine destinationOn toque à la porte. Michèle est ponctuelle. Elle vient pour sa coupe mensuelle. Cheveux courts, poivre et sel, pas suffisamment pour la septuagénaire, elle apprécie la compagnie, la gentillesse et le professionnalisme de son coiffeur. "Je viens tout le temps chez lui, ça m’évite de prendre la voiture et d’aller en ville. Et puis, ça me fait une promenade", s’amuse-t-elle.Cinq clients supplémentaires ont réservé une coupe sur l’Hair Bus ce jour-là. "Ils savent que je suis là pour la journée, alors ils appellent parfois au dernier moment", relativise Jonathan Héritier dont la prochaine destination le conduira dans le Puy-de-Dôme.
(*) Agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles.
(*) Hair : "cheveux" en anglais
David Allignon