La filière hippique en colère : "C’est une activité agricole, ensuite un sport, et après un sport sur lequel il y a un jeu"
Il est président de la Société des courses de Vichy et de la fédération du Centre-Est (qui compte 17 hippodromes), vice-président de France Galop et vice-président de la Fédération nationale des courses hippiques.Dans le petit monde de l’hippisme, la voix de Philippe Bouchara compte.
Et il a bien l’intention de l’utiliser, fermement, contre un amendement gouvernemental qui voudrait augmenter les taxes sur le produit des jeux. Ce mercredi 6 novembre, face au ministre de l’Économie, et jeudi 7, lors d’une manifestation nationale de l’ensemble de la filière.
Qu’est-ce qui vous pousse à vous faire entendre sous une forme bien plus revendicative que d’ordinaire ?
"Ce qui nous chagrine, c’est le fait que le gouvernement présente un amendement qui avait été déjà présenté, puis retiré. Il est revenu à la charge en proposant une taxe qui passerait de 6,9 à 7,5 % sur le produit des jeux dans le réseau physique, c’est-à-dire les PMU, et de 6,9 % à 15 % sur les paris en ligne. Ce qui signifie, à terme, plus de 30 millions de plus à l’État et 30 millions de moins pour les courses."
Qu’est-ce que cela impliquerait ?
"Déjà que les jeux connaissent une baisse à l’heure actuelle, cela mettrait en péril, si jamais cette taxe devait passer, à la fois les courses, les 22.000 emplois directs qui en dépendent, les éleveurs, et tout le secteur agricole attaché à la filière.
Philippe BoucharaIl ne faut pas oublier que nous, les courses, on vit quelque part en autarcie. Le produit des paris sert à financer un sport derrière lequel il y a des éleveurs, des entraîneurs, des lads…
À la Française des jeux, pour prendre un exemple, il n’y a pas grand monde derrière, à part quelques imprimeurs pour les tickets. Nous, on verse déjà 900 millions d’euros à l’État, qui vont vers les services publics.
Pour que le monde des courses aille aussi loin, alors qu’on a un secteur, jusqu’à maintenant, plutôt « timide » sur ce genre de choses, c’est qu’à un moment il faut se faire entendre, et il faut que nos politiques comprennent comment fonctionnent les courses.
C’est bien de dire « Ça rapporte 900 millions à l’État mais, ça reste un jeu ». Mais non, ça n’est pas un jeu ! C’est d’abord une activité agricole, c’est ensuite un sport, et après un sport sur lequel il y a un jeu. Et ce jeu sert à financer l’intégralité de ce sport et rapporte à l’État 900 millions d’euros."
Combien rapportent les courses en France ?
"375 millions sont fléchés vers le galop, et autant vers le trot. Au total, les courses prennent à peu près 8 % du chiffre d’affaires du PMU. 78 % retournent aux parieurs, 4 % vont vers le PMU, pour financer les points de vente sur le territoire, et tout le reste va à l’État. Et sur Internet, on a une redevance d’un peu plus de 7 %."
On pourrait vous rétorquer que sur de telles sommes, 30 millions, finalement, ça ne paraît pas si énorme…
"Si, c’est colossal, parce que les enjeux sur les courses, en ce moment, sont stables, voire en baisse. Aujourd’hui le poids de base de toute notre activité, il est à cette somme-là. Et ce n’est pas de l’argent qu’on met sur un compte en banque?! Il sert à financer les 18.000 courses qu’on organise sur le territoire, à financer les 220 hippodromes français, à rémunérer les hippodromes pour organiser les réunions, mais aussi à rémunérer les villes et les communautés d’agglomération qui accueillent des hippodromes. Donc à moins 15 millions, on est mal.
Si l’État a besoin d’argent, qu’il lâche un peu sur certaines choses qui lui rapportent de l’argent.
Il ne veut pas augmenter les impôts en direct, mais il va le faire d’une manière un peu transversale. La TVA, c’est ni plus ni moins qu’un impôt déguisé."
La question animale s’invite aussi dans le débat...
"On fait beaucoup aujourd’hui sur la maltraitance animale. Ce n’est pas une question de bien-être. Avec mon chien, oui, je vais lui mettre un coussin moelleux pour dormir. En ce qui concerne les chevaux, les bovins, les animaux plus importants, c’est contre la maltraitance qu’il faut lutter. Contre des fermiers ou des éleveurs qui sont avides d’argent, ne leur donnent pas à manger, les laissent pourrir dans les prés… La vraie lutte, elle est là, on ne va pas mettre des coussins aux cochons dans les étables."
Qu’allez-vous demander ce jeudi 7 novembre, lors de cette manifestation ?"Nous allons demander le retrait pur et simple de cet amendement et de cette hausse des taxes. Maintenant, d'ici à la manifestation, des négociations vont aussi avoir lieu, avec les différentes composantes. Et notamment mercredi matin avec le ministre de l’Économie.
Mais un jour, le pays va exploser, à force de demander constamment aux gens de se serrer la ceinture et de donner davantage pour un État qui ne donne finalement ni confiance, ni les résultats attendus par la population."
Propos recueillis par Matthieu Perrinaud
En raison de l’appel à la grève nationale, toutes les courses hippiques prévues ce jeudi 7 novembre sur le territoire sont annulées.