"On ne peut pas se louper" : chargé du repas servi aux auteurs de la Foire du livre de Brive, il fait son dernier service
Il a beau être rompu à l’exercice depuis 1996, Pierre Barbarin n’entend pas se laisser déborder, surtout pour son ultime rendez-vous.
Cette année, on repart quasiment de zéro. On retrouve la gare de Paris Austerlitz, même si elle est toujours en travaux, et de nouveaux wagons. Ce sont des rames classiques rénovées, et non plus celle d’un TGV. J’appréhende un peu pour notre installation, mais c’est du stress positif !
Ce vendredi 8 novembre 2024, le chef de la cuisine centrale de la mairie de Brive, en Corrèze, vit une journée particulière. À quelques mois de sa retraite professionnelle, Pierre Barbarin va coordonner pour la dernière fois le repas servi à bord du train du livre. Un des mythes du rendez-vous littéraire briviste ; "on ne peut pas se louper", confirme l’intéressé.
La fameux "train du cholestérol" l'est beaucoup moinsL’abondance des débuts, en 1985, a donné naissance à l’expression "train du cholestérol", attribuée, à tort ou à raison, à l’écrivain Érik Orsenna. Une réputation qui fait sourire Pierre Barbarin : "Le plateau de mon prédécesseur avait marqué les esprits. Depuis 1996, on propose un service plus équilibré, calibré, mais qui met toujours les produits locaux à l’honneur".
Crumble de grattons de canard, fromage de Rocamadour, caillette de veau aux herbes, pâté en croûte… Le repas du train du livre permet à près de 400 auteurs d’oublier les quatre à cinq heures de trajet entre Paris et Brive, une sorte de préface durant laquelle "la fête commence", selon le bon mot de Jean d’Ormesson.Pierre Barbarin et ses équipes durant la préparation du repas pour le train du livre ; photo Stéphanie Para.
En 2023, le burger fait à partir de mique, ce plat paysan proche du pain, avec son jarret de porc et assaisonné de moutarde à la violette, avait enchanté les papilles.
Certains estomacs se souviennent encore avec bonheur de ces choux farcis avec des cèpes, de la truffe et du foie gras. "Le médaillon de foie gras est incontournable", tout comme la vieille prune de Souillac, servie juste avant l’arrivée en gare de Brive.
En coulisses, un défi logistiqueLe train du livre est donc gourmand. En coulisses, c’est un véritable exploit : imaginés en juin, les repas sont préparés dans les locaux de la cuisine centrale de la mairie de Brive trois jours avant le service.
De petits camions, dont deux frigorifiques, les transportent jusqu’à Paris Austerlitz à J -2. "Il faut faire en sorte que ces 48 heures n’affectent ni la texture ni le goût des produits". Un défi que sait relever Pierre Barbarin : dans une vie antérieure, il a été traiteur, ayant fait ses armes dans la boutique familiale, avenue de Paris, à Brive.
Pierre Barbarin en a connu des prestigieux, comme ceux de l’Orient express, en 2012 et 2013. Il se souvient aussi de ces années où il disposait de vraies cuisines, pour préparer des repas chauds : " Ce n’était pas plus dur. Le secret, c’est d’être prêt avant, d’anticiper les difficultés. J’emmène des caisses de matériels, juste au cas où…"
Certains auteurs aiment rendre une petite visite à toute l’équipe. Jean-Louis Debré, qui a rebaptisé le train du livre en "train de la fraternité", en fait partie.
Les meilleures anecdotes de Pierre Barbarin concernent le train du retour, le dimanche soir, aujourd’hui supprimé. Un souper immuable y était servi : potage, omelette aux cèpes et tarte aux pommes. "Lors d’un trajet, Daniel Prévost est venu nous voir. Il avait fait chanter le train jusqu’à Paris".
Pierre Barbarin a un peu de mal à le reconnaître, mais tout cela risque de lui manquer à l’heure de la retraite. Peut-être fera-t-il comme ces trois ou quatre collègues qui remontent, chaque année, dans le train du livre, parfois sur un jour de congé, pour donner un coup de main. "C’est un exercice atypique, qui valorise toute l’équipe" ; ça ferait une jolie épigraphe.