[Cannes 2024] “Les Damnés” : que vaut l’incursion de Roberto Minervini dans la fiction ?

Un film de guerre tout en soustraction, qui décrit avec une sensorialité saisissante les temps morts d'un conflit armé.

Alors que l’hiver 1862 vient de débuter, une troupe de soldats américains engagée dans la guerre de Sécession est envoyée en éclaireur. Arrive la réquisition d’un territoire et la mise en place d’une ligne de front, en attendant l’arrivée de l’ennemi. Mais celui-ci tarde à venir et l’hiver s’intensifie.

Première incursion dans la fiction du documentariste italien Roberto Minervini (The Other Side, 2015), Les Damnés est un film de guerre qui remet l’attente, l’ennui et le doute au cœur de son action. Le regard de Minervini a la rigueur de tourner le dos à toute une imagerie spectaculaire et patriotique, et parvient à saisir tous les à-côtés d’un conflit. Par un sens de l’ellipse envoûtant qui obscurcit le temps et l’espace, la mise en scène s’attarde à décrire avec une minutie stupéfiante la quotidienneté quasi muette des soldats (tour de garde, jeux de cartes, entretien des armes). 

Sensorialité brumeuse

Rarement le cinéma n’avait semblé donner autant d’attention et de sensibilité à cette somme de détails qui compose l’expérience d’un conflit armé. Aussi âpre que lyrique, la sensorialité brumeuse du film de Minervini nous fait éprouver comment un territoire hostile avale lentement les hommes qui l’habitent. 

Les Damnés de Roberto Minervini, avec Jeremiah Knupp, René W. Solomon (Italie, Un certain regard)