“Les Gens d’à côté”, “Only the River Flows”, “Moi, moche et méchant 4”… Voici les sorties de la semaine !
Les Gens d’à côté d’André Téchiné
Une espionne qui vire à l’agent double, secondée par le fantôme bienveillant de son amour suicidé. Comment désirer sa fatalité pour en faire en destin ? Ce souci philosophique est rehaussé par une autre question souveraine, car collective : celle du vivre-ensemble, y compris avec les mort·es, alors que tout concourt à nous claquemurer dans la ouate de nos certitudes narcissiques.
Only the River Flows de Shujun Wei
Shujun Wei magnifie, avec une certaine fascination, les méthodes artisanales de la petite police locale, qui utilise un rétroprojecteur, fait développer ses photos […]. Only the River Flows rend hommage de multiples façons à cette matière filmique qui, bien qu’en vogue, trouve ici tout son sens en capturant la texture de cette époque.
Moi, moche et méchant 4 de Patrick Delage et Chris Renaud
La nature parodique et légère de Moi, moche et méchant, avec ses super-vilains grotesques en papier glacé et ses péripéties confortablement formatées, a quelque chose de terminalement inconséquent : on ne sait plus vraiment où sont censés se placer le génie, la singularité, le supplément d’âme ou de drôlerie d’un film qui semble exécuté par une armée d’intervallistes obéissant·es, sans l’intervention du moindre libre arbitre artistique.
La Récréation de juillet de Pablo Cotten et Joseph Rozé
Les deux jeunes réalisateurs ont sans doute été marqués par les premiers films d’Antonin Peretjatko et ceux de Yann Gonzalez, dans leur manière de conjuguer une certaine loufoquerie à un lyrisme sentimental, mais aussi par le cinéma de Jacques Demy et les notes de Michel Legrand. Cette recréation est donc aussi la leur et si elle se trouve fragilisée par un scénario dont le duo peine à prendre congé au lieu de s’abandonner à ce temps suspendu, elle prédit, on l’espère, d’autres aventures réjouissantes.
La critique de Marilou Duponchel
Here de Bas Devos
Here converge vers un autre langage, celui d’un cinéma du care, du soin envers les manifestations les plus discrètes, de l’ici et du maintenant, fixé sur le retour primitif et sensoriel de tout ce qui compose un être, un paysage. La charge politique du film réside bien dans la manière dont il expose un vivre-ensemble qui n’a rien d’un fantasme, et n’a jamais paru aussi limpide et serein.
La critique de Marilou Duponchel
To the Moon de Greg Berlanti
Tout ou presque est faux, ce qui crée tout de même un drôle de sentiment de mascarade à cette rom-com dont l’ancrage historique imposait une certaine attente de véracité, même très romancée, et qui semble donc totalement caduque dès lors qu’on la sait montée de toutes pièces. Avec un peu de générosité, on peut s’amuser à y voir une forme de prolongement méta, comme le sujet affiché par le film est justement la dimension du faux […] Mais To the Moon est moins intelligent que cela.
Creation of the Gods I de Wuershan
S’il fait revenir un blockbuster non-occidental dans le champ des sorties et marque donc une plutôt bonne nouvelle en matière de diversité, le film n’en reste pas moins une forme d’avatar indirect du Hollywood contemporain. Il souffre en tout cas durement de la comparaison avec ses prédécesseurs : trop terne, trop sérieux, monocorde.
Val Abraham de Manoel de Oliveira
Val Abraham, né à nouveau aujourd’hui dans une version plus longue d’un quart d’heure et restaurée, est un sommet de la culture européenne, tout simplement : intelligent, romanesque, à la fois érotique, drôle, lyrique et cruel, il offre aussi, par sa beauté intense et folle, un doux bain de consolation pour le cœur des spectateur·ices.
La critique de Jean-Baptiste Morain
Arizona Dream d’Emir Kusturica
Avec ses légendes hollywoodiennes en fin de carrière, ses Cadillac rose bonbon en plein désert et ses avions faits de bric et de broc, Arizona Dream est une Amérique tout droit sortie des rêves d’un enfant qui ne l’a pas connue, et auquel Kusturica ajoute toute la mélancolie et les désillusions de l’âge adulte.
Saravah de Pierre Barouh
La force tranquille de Saravah, c’est de montrer des situations quotidiennes d’où naît un mouvement irrésistible, celui de la samba et autres chansons brésiliennes. Au passage, il y est question de toute une culture afro-brésilienne, en lien étroit avec cette musique fondamentalement syncrétique.