Clermont Foot 1997 : la première remontada
Le 8 mars 2017, en 8es de finale retour de Ligue de Champions, Barcelone effaçait d’un cruel 6-1, le 4-0 que Paris lui avait infligé à l’aller. Une « remontada » mise, depuis, à toutes les sauces. Mais qui a eu un précédent.
Comme un clin d’œil de l’histoire, quasiment pile 20 ans plus tôt, le 1er mars 1997, le Clermont Foot, qui évoluait alors en CFA, soit 4 divisions en dessous du PSG de Rai, Le Guen, Lama et consorts, le sortait en… 8es de finale de la Coupe de France aux tirs au but (4-3), devant 9.000 personnes en liesse (8.000 devant l’écran géant de la place de Jaude) après avoir « remonté » un 4-1 en 18 minutes.
À la veille des premières retrouvailles du PSG avec le CF63 depuis cette date, Thierry Coutard, son coach de l’époque, aujourd’hui vice-président du RC Vichy, en charge des destinées sportives, se souvient.
L'avant-matchL’avant-match de 1997, c’est d’abord un tirage au sort : « Quand tu arrives en 8es, que tu viens de sortir deux D2, Lorient, en 32es et puis Martigues, qui était alors 1er en 16es, tu ne te mets pas à rêver de finale : tu veux, soit un “petit” pour espérer un quart, soit finir par un “gros”. Et là, autant prendre le PSG. Donc pour nous qui avions vécu le tirage tous ensemble, c’était super. »
C’était un match extraordinaire, on a fait une prépa extraordinaire.
Voilà pour les joueurs. Mais le tirage a aussi suscité un engouement incroyable. Avec plusieurs milliers de personnes patientant devant la Maison des Congrès, le jour de la mise en vente des places. Une effervescence qui n’est pas sans rappeler celle, en ligne cette fois (on est en 2021), qu’ont connue, cet été, les serveurs informatiques en surchauffe, dès la mise à disposition des abonnements pour la première saison du club en Ligue 1.
Reste qu’en 1997, il a fallu gérer un drôle d’avant-match : « C’était un match extraordinaire, on a fait une prépa extraordinaire. Mais il le fallait. Il y a deux façons de voir, en cas de match très particulier : changer tes habitudes ou pas. Nous le problème, c’était l’effervescence en ville ! Moi, je voulais absolument que les gars sortent de ça. Bien sûr, c’était tellement agréable ! J’aurais voulu voir ça tous les week-ends ! Mais c’était infernal en sollicitations. J’avais donc demandé qu’on nous trouve un lieu un peu à l’écart de Clermont. Parent, ça a été très sympa. »
Sous le regard d'Amblard, Ribérol et Le Bellec, ballon au pied, débordent le Parisien Ngotty.
Le match« Bien sûr, il y a son déroulé où à 4-1, tu croises les doigts, tu te dis “Vivement que ça s’arrête, parce qu’on va prendre une pilée !” Et puis, ça s’emballe, ça devient complètement fou », rappelle Thierry Coutard, qui rigole encore du “coup” réussi… pendant la mi-temps.
« On a réalisé un truc phénoménal, extraordinaire, on a engrangé des tas de souvenirs. »
« Là, j’ai fait un sketch ! On jouait en 4-4-2. Je voulais densifier le milieu de terrain, ne pas trop prendre l’eau, une fois qu’on avait récupéré le ballon, ne pas se projeter trop vite devant pour ne pas le reperdre, tout cela en marquant Rai de près, en essayant de couper ses relations avec les autres. Sauf qu’il y avait 2-0 à la mi-temps ! (sourire). Alors, pendant la pause, j’ai dit : ”Si on arrivait à leur en mettre un petit en début de deuxième mi-temps, on les ferait douter. Est-ce que je crois ce que je dis ? Je ne suis pas sûr, j’ai vraiment l’impression de tricher, d’être un menteur. Et là, le hasard fait qu’à la reprise il y a penalty pour nous, marqué par Bessaque. Peut-être que les gars se sont dit “Il a raison, en fait”. Comme à 4-1. Peut-être. Mais là, c’est un autre phénomène qui se met en route puisque je fais rentrer Amblard et Ribérol. Et c’est eux qui changent la physionomie du match, en étant dans le coup des deux buts du 4-2 (Chastang) et 4-3 (Le Bellec). Là, on peut presque dire : ’’Quel coaching !’’ Mais non ! Si je les fais rentrer, c’est juste pour les faire participer à la fête ! (rires) »
Enjolras, le gardien du Clermont Foot, héros de la séance des tirs au but, en stoppant les tentatives de Le Guen (photo) puis de Guérin.
Reste que le consultant d’aujourd’hui ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec le tout récent Lyon-Clermont de la 3e journée : « Avec un OL qui mène 3-1 alors que le PSG de l’époque menait 4-1 et a eu une ou deux balles qu’il ne met pas, notamment Dely Valdes. À Lyon, l’OL a une balle de 4-1, pareil ! On connaît la suite, c’est ce qui fait le charme du football. Avec encore un parallèle : ce PSG, tétanisé, qui paniquait complet, quand on est revenu à 4-2, 4-3, ça m’avait marqué. Eh bien là, pareil : Lyon qui se liquéfie, et Bayo qui peut même faire gagner Clermont 4-3. Contre le PSG, il ne restait que 20 minutes à jouer. Mais 4-2, ça nous convenait (rires) ! C’est à vivre ça ! »
L'afterA vivre aussi fut le Clermont-Nice qui suivit, achevé sur une élimination. Dont il a fallu se remettre : « Les entraînements entre le PSG et Nice, il me fallait demander gentiment aux cameramen et journalistes de sortir parce qu’on n’y arrivait plus. Mais j’ai en mémoire le premier qui a suivi notre élimination. Je me souviens encore de ce que j’ai dit aux joueurs : « Ne cherchez pas derrière les thuyas, ne cherchez pas dessous les thuyas : y a plus personne ! C’est fini ! On a réalisé un truc phénoménal, extraordinaire, on a engrangé un tas de souvenirs mais les rampes se sont éteintes. Maintenant, place au championnat. Et ça a été très compliqué. »
Ne cherchez pas derrière les thuyas, ne cherchez pas dessous les thuyas : y a plus personne ! C’est fini !
Un « après » compliqué que Thierry Coutard n’envisage pas pour le CF63, cette saison : « Chez nous, il y avait plein de frustration à l’époque, le foot vivotait. Ce gros coup sportif et médiatique, ça a aéré la tête de beaucoup de gens et ça a plus qu’aidé, financièrement, le club, qui se dirigeait un temps vers le dépôt de bilan. Aujourd’hui, c’est un aboutissement de hauts et de bas, après avoir chatouillé la montée sans franchir le pas. Mais, enfin, Clermont connaît la Ligue 1 ! Et quand je vois l’effervescence qu’il y a eue autour des réceptions de Troyes et Metz, j’ai hâte de voir le PSG bien sûr, mais aussi Lyon, Saint-Étienne... ça va être extraordinaire !"
« Aujourd'hui, pourquoi ça s'effriterait ? »Avant de renchérir : « Mais ce qu’il y a d’extraordinaire, aussi, aujourd’hui, c’est la qualité de jeu. Et là, tu te dis : « Pourquoi ça, ça s’effriterait ? » Bien sûr qu’il y aura des moments difficiles. Mais on va faire une belle petite saison, un milieu de tableau tranquille et ça, c’est sécurisant, ça va fédérer. »
Clermont 4 - PSG 4 (4-3, t.a.b.).Buts Clermont : Bessaque (51e), Chastang (69e), Le Bellec (82e), Ngotty (csc, 87e).Buts Paris Saint-Germain : Cauet (12e), Dely Valdès (24e), Raï (57e), Loko (68e).
Jean-Philippe Béal