“HEY WHAT” ou l’apocalypse électrique selon Low
Le single Days like These livrait déjà une piste précise sur la direction musicale prise par ce nouveau disque. Où les voix d’Alan Sparhawk et de Mimi Parker s’élèvent gracieusement avant de se désintégrer au sein d’un maelström sonore saturé, puis de rejoindre le silence tout en répétant le mot “again” inlassablement. Les jours mauvais ne sont pas terminés, et se répètent.
HEY WHAT, treizième album de la formation culte de Duluth, s’inscrit comme une suite directe au magistral, Double Negative (2018) et forme un diptyque apocalyptique ahurissant, la poursuite d’une longue traversée musicale entre les abîmes et les cieux. Alan ne s’en cache pas, il est de plus en plus affligé face à la marche du monde et au désespoir qu’il constate autour de lui.
“La période que nous avons tous partagée dernièrement a été difficile et je ne connais personne qui ne se soit pas fait botter le cul (sic) d’une manière ou d’une autre. J’espère que notre musique est une force d’espoir… mais beaucoup de gens souffrent inutilement, beaucoup plus que nous ne le pensons.” Aucun sentimentalisme pour autant, aucun plan de carrière, aucun calcul, le groupe se fie avant tout à son instinct et son amour viscéral de la musique.
“Nous avons appris à faire confiance aux chansons”
“Nous n’avons jamais vraiment d’idée précise de ce que nous voulons dire en entrant en studio. Nous avons appris à faire confiance aux chansons qui nous viennent spontanément. Quand nous nous enfonçons dans de nouveaux territoires sonores, le résultat est toujours meilleur que tout ce que nous aurions pu prévoir. C’est un peu comme bondir dans une pièce juste après en avoir détruit la porte.”
En vingt-huit années d’une carrière exemplaire, le groupe n’avait pourtant plus rien à prouver et aurait pu répéter la même formule indie pendant des années encore, mais cette prise de risque renouvelée, cette nouvelle forme jouissive d’expérimentation electro entreprise en compagnie du producteur BJ Burton (Bon Iver, Kanye West et Sylvan Esso) depuis 2015, force le respect.
“Plus je vieillis, plus je souhaite que ma musique et mes paroles soient directes, audacieuses. J’essaie d’écrire avec mon cœur et ma propre expérience. Ma foi me donne une perspective et un langage dont je peux m’inspirer. Peut-être que d’autres n’ont pas besoin de cela pour être plus éthiques et pleins d’espérance, mais moi, cela m’a aidé.”
Que l’on soit croyant ou pas, peu importe
“Plus j’écoute les autres, en particulier les jeunes artistes venant de milieux auxquels on n’a jamais accordé de tribune par le passé, plus j’ai envie de me taire et de donner le micro à quelqu’un d’autre”, explique modestement Alan. Eschatologie électrique, HEY WHAT, avec ses rythmes électroniques fracturés, ses pleins et ses vides, ses ruptures mélodiques abruptes, est un disque à écouter d’une traite, un voyage à travers les cercles de l’enfer que l’on suivra en pénitent heureux.
À l’instar du Diptyque de la Crucifixion et du Jugement dernier, du peintre flamand Jan van Eyck, ce disque, tout comme le précédent, nous rappelle à l’espoir d’être sauvé d’un peu de lumière durant des temps sombres. Que l’on soit croyant ou pas. Ici, peu importe : HEY WHAT est un album d’une puissance rare, véritable chef-d’œuvre pour frissonner durant l’été indien.
HEY WHAT (Sub Pop/Modulor). Sortie le 10 septembre