Du plastique jeté au compost : l'innovation de Carbiolice, à Riom, bientôt appliquée aux emballages alimentaires
Jeter du plastique dans le composteur situé au fond de votre jardin. Si le geste paraît encore incongru, il pourrait rapidement entrer dans les mœurs grâce à Carbiolice.
L’entreprise créée en 2016 à Riom a développé une technologie unique au monde : elle a mis au point un additif enzymatique, qui répond au nom d’Evanesto®, pour accélérer la biodégradation d’un certain type de polymère, à savoir le PLA. Jusqu’ici, ce plastique d’origine végétale était compostable uniquement en conditions industrielles. "Ce que nous proposons, c’est de le rendre compostable en milieu domestique, sur votre balcon ou dans votre jardin", présente Sophie Macedo, directrice business et partenariats de Carbiolice.
Un additif intégré dans le plastiqueCar après cinq ans de recherches, l’additif conçu par la société riomoise est désormais au point. Le principe : "Le cœur du réacteur est une enzyme qui active et accélère la biodégradation du PLA", décrypte Sophie Macedo.
Si cette enzyme est fournie par le groupe danois Novozymes, leader mondial de la production d’enzymes, le défi pour Carbiolice était de développer "la matrice qui protège l’enzyme lors du procédé de fabrication et de transformation du plastique", soumis à de hautes températures.
L'additif développé par Carbiolice est directement intégré au plastique lors de sa transformation.
Intégré directement dans le plastique lors de sa conception, "l’additif s’active ensuite uniquement en fin de vie, en fonction d’une combinaison de paramètres : une température ambiante, de l’humidité et surtout la présence de micro-organismes autour, donc dans le composteur. L’additif intervient comme catalyseur, il accélère la biodégradation."
La certification "OK Home Compost" obtenueCinq ans après, Carbiolice est donc désormais "en capacité de produire l’additif à échelle industrielle", poursuit Sophie Macedo. L’heure est désormais à sa commercialisation. En ce sens, la société a obtenu une certification majeure, "OK Home Compost", pour deux types de produits : les emballages souples (potentiellement les sachets d’emballage de pâtes, de produits secs ou encore les opercules de barquette) et les emballages plus rigides, d’une épaisseur maximale de 0,45 mm (type barquettes, gobelets et pots de yaourt).
Autrement dit, ce label certifie que les produits développés avec l’additif de Carbiolice se désintègrent en moins de 255 jours dans un composteur domestique.
Après les emballages alimentaires, les capsules de café??Cette étape supplémentaire franchie, Carbiolice ambitionne une mise sur le marché de premiers produits contenant Evanesto® en 2022. Elle œuvre en ce sens avec plusieurs partenaires en Europe mais aussi aux États-Unis.
Parmi eux figurent notamment le groupe agroalimentaire Sodebo, pour les emballages de sandwichs et de salades, ou encore les Brioches Fonteneau. "Nous sommes avec eux en phase de validation technique, commente Sophie Macedo. Avec Sodebo, nous visons une mise en rayon en 2022 dans certains supermarchés pilotes."
Si les emballages alimentaires constituent déjà un marché potentiel gigantesque, l’entreprise, qui compte désormais 25 salariés, poursuit ses recherches dans ses laboratoires riomois pour aller encore plus loin. Ses prochaines cibles : les capsules utilisées dans les machines à café et les lingettes.
Le recyclage du plastique, enjeu majeur Le Puy-de-Dôme compte deux leaders mondiaux dans le recyclage enzymatique du plastique : si Carbiolice concentre ses efforts sur le PLA (plastique d’origine végétale), l’entreprise Carbios, à Saint-Beauzire, œuvre, elle, sur le PET (polytéréphtalate d’éthylène). Après avoir participé à la création de la start-up Carbiolice en 2016, Carbios en a acquis, en juin dernier, 100 % du capital pour 17,9 millions d’euros. "Après le PET et le PLA, on doit générer de nouveaux grands projets de recherche", promettait Jean-Claude Lumaret, directeur général de Carbios, au moment de ce rachat. Barquettes alimentaires, gobelets et pots de yaourt pourront bientôt être jetés au compost grâce à Carbiolice. L’entreprise compte donc multiplier les innovations à l’instar du programme de Carbiolice qui, s’il contribue à sa biodégradation, n’a pas pour ambition de dévaloriser le plastique. Au contraire, même. "Ce n’est pas le plastique en soi qui est mauvais, c’est sa fin de vie", note Sophie Macedo, directrice business et partenariats de Carbiolice. En somme, du fait de ses caractéristiques, le plastique peut être utile, à condition de mieux prendre en compte son recyclage. Voilà pourquoi Carbiolice ne s’intéresse pas aux marchés des bouteilles, "pour lesquelles il existe déjà des filières de recyclage, note Sophie Macedo. Nous nous concentrons sur les produits pour lesquels il n’y a pas d’alternative au plastique. Par exemple, la majorité des pots de yaourt sont en polystyrène, qui n’est pas recyclé. Avec notre additif et le PLA, nous proposons une alternative responsable." La démarche de Carbiolice s’inscrit par ailleurs dans un mouvement de fond dans la filière des biodéchets, amenée à se structurer dans le cadre d’une directive européenne qui, d’ici fin 2023, imposera une collecte à la source de ces biodéchets. La technique développée par Carbiolice devrait donc à la fois être portée et accompagner cette tendance.
Arthur Cesbron