Efficacité du pass sanitaire : exercice de prospective
Par Hadrien Gournay.
Nous avons franchi aux environs du 29 août le pic de la vague delta, bien moins élevé que les prédictions pessimistes ne l’annonçaient. Depuis, le nombre des contaminations et des décès décroissent chaque jour. Or, le pass sanitaire n’a joué qu’un tout petit rôle dans la mortalité comparativement modeste de la vague delta.
Cette faible contribution du pass réside dans une adoption tardive qui ne lui a guère permis de produire d’effets sur la phase ascendante de la vague. Cela joue aussi bien pour l’éloignement des malades des lieux de contamination que pour l’incitation à se vacciner. Si cette dernière débute dès le jour des annonces, l’effet protecteur des vaccins est plus tardif.
Méthode : exposé et raison d’être
Aussi, le défenseur du pass pourrait objecter de bonne foi que nous n’avons pu apprécier ses vrais bénéfices. C’est pourquoi j’ai voulu déterminer quels auraient été ses effets sur la phase ascendante de la vague delta s’ils avaient pu se produire dès le départ.
Peut-être critiquera-t-on la matière sur laquelle nous nous livrons à cette expérience, la vague delta, au motif que les prochaines vagues pourraient se révéler bien plus meurtrière, accroissant proportionnellement les effets protecteurs du pass sanitaire. Je crois au contraire que c’est justement le mérite de la vague delta que d’être une vague naturelle et non une projection apocalyptique issue de la modélisation. Par le mot « naturelle » j’entends ici une vague dont la mortalité s’explique pour partie par la nature du variant, pour l’autre par l’initiative libre de la population et où la contrainte n’a eu qu’un très faible rôle.
Nous examinerons les effets de l’incitation à la vaccination et de l’exclusion des personnes contagieuses.
L’incitation à la vaccination
Je reprendrai pour l’essentiel les calculs de mon article précédent. Cette fois, cependant, l’incitation présidentielle à se vacciner joue à plein dès le premier jour. Ainsi, nous attribuerons au vaccin immédiatement sa pleine efficacité.
Les données sont les suivantes :
Nombre de décès par non vacciné : 1 pour 547000 (49/ 26800 000)
Le nombre de décès quotidien de la phase ascendante de la vague delta est de 63,5 (estimation personnelle)
Le nombre de décès quotidien de non vaccinés est de 49 (78 % des décès sont des non vaccinés)
Enfin, le nombre de non vaccinés pendant la phase ascendante de la vague : 26 800 000, soit 40 % de la population. Ce chiffre résulte d’une moyenne entre le taux de vaccination du 9 juillet et du 9 août.
Nombre de vaccinés du fait de l’incitation par Macron : 2 747 000
L’évolution du taux de vaccination a été le suivant (graphique) :
9 juin……………. 44 vaccinés dont 20,1 avec deux doses
9 juillet…………. 53,6 dont 37,1 avec deux doses (+ 9,6 et + 17)
9 août……………. 67,3 dont 50,9 avec deux doses (+ 13,7 et + 13,8)
2 septembre…… 72,7 dont 61 avec deux doses (+ 5,4 et + 10,1)
L’effet d’incitation correspond à l’augmentation des premières doses distribuées entre le 9 juin au 9 juillet par rapport à la période précédente, du 9 juillet au 9 août.
Cela représente 4,1 % de la population française soit 2 747 000 français vaccinés en plus du fait du pass sanitaire.
Nombre quotidien de Français « sauvés par Macron » : 4,8
2 747 000 / 547 000 x 95 % = 4,8
Alors, nous obtenons le nombre de décès qui aurait eu lieu sur les nouveaux vaccinés en multipliant le taux de décès quotidien des non vaccinés par la population des non vaccinés. Pour obtenir le nombre de personnes « sauvées », nous multiplions par 95 %, taux d’efficacité des vaccins.
Effets d’une meilleure vaccination des plus âgés ?
Le pass sanitaire et l’ensemble de la campagne de propagande gouvernementale et médiatique qui l’ont accompagné ont visé l’ensemble des non vaccinés. S’ils ont ciblé un public, c’est essentiellement les plus jeunes. En effet, ces derniers sont les premiers concernés par les restrictions de sortie associées au pass vaccinal.
Les progrès de la vaccination selon la catégorie d’âge mettent en évidence le caractère spécifique de cette incitation.
Des résultats contestables
Or, le risque de décéder de la covid 19 augmente avec l’âge.
Dès lors, une campagne de vaccination axée sur les personnes relativement âgées aurait eu un rapport coût / avantage supérieur.
Il n’y a rien d’impossible à cela, la plupart de nos voisins connaissent des taux de vaccination des personnes âgées bien supérieurs aux nôtres.
Par exemple, au 20 août 2021, 100 % des plus de 80 ans étaient vaccinés en Espagne et au Portugal, 97 % au Royaume-Uni contre seulement 84 % en France.
À taux de vaccination comparables (voire inférieur si on les compare à la chronologie des vagues) ces pays ont été moins touchés que nous par la vague delta.
L’exclusion des non vaccinés de certains lieux et activités produirait-elle des résultats plus probants ?
Exclusion des personnes positives de certains lieux et activités
Nous ne prétendons pas présenter ici une présentation « scientifique » des effets du passe sanitaire. On peut du moins, à partir de constats accessibles à tous présenter un niveau de protection de réduction de la mortalité qu’il ne peut raisonnablement dépasser.
Estimation d’un pourcentage de réduction des décès
Ainsi, nous pouvons nous en faire une idée à partir des effets comparatifs des confinements. La différence entre pays « confinistes » et autres a montré la modestie des effets des confinements. Néanmoins, nous ne nous lancerons pas dans un comparatif de la littérature scientifique à ce sujet. Il nous suffit d’observer que dans les cinq pays de l’OCDE où la mortalité est la plus forte, elle correspond à un peu moins du double des autres pays. Par hypothèse, le confinement pratiqué par la majorité des pays n’a pas réduit les décès de plus de 49 %.
En réalité, les pays n’ayant pas confiné devraient obtenir un excellent score. Ne devrait-on pas en effet leur intégrer de pays asiatiques tels que la Corée du Sud et le Japon ? Cependant, il est vrai que ces pays ont obtenu ces résultats par des systèmes efficaces de traçages précoces qui n’ont pas été accomplis par ailleurs. C’est pourquoi il serait plus juste de les exclure de la comparaison.
Toujours est-il que ce chiffre de 49 % de réduction de la mortalité dépasse nécessairement les effets du confinement. Or, les effets du confinement dépassent largement ceux du passe sanitaire. Avec le confinement, la grande majorité des lieux accueillant du public est concernée, seule une petite partie avec le pass. Dans un cas, les lieux en question sont fermés. Dans l’autre, ils restent accessibles aux personnes vaccinées et à celles munies d’un test négatif. Pourtant, le risque de contagion diminue mais reste largement possible dans ces deux hypothèses.
Par conséquent, l’hypothèse d’une réduction de 20 % des décès en raison de l’effet d’exclusion du passe sanitaire apparait très optimiste.
Nombre de vies sauvées parmi les vaccinés et les non vaccinés
Sur la totalité des décès, cela correspondrait à 11 vies sauvées par jour.
Cela dit, les contraintes pesant sur les non vaccinés se justifient d’abord sur le risque pesant sur les vaccinés. Dans leur rapport avec les autres non vaccinés, les risques sont réciproquement acceptés. La réduction du nombre de décès de vaccinés est encore plus faible. Les vaccinés représentant 22 % des décès, soit 14 décès par jour. En admettant que les limitations d’accès réduisent ce chiffre de 20 %, le chiffre de décès quotidien de vaccinés se trouverait réduit de 2,8. Cela représente 1022 décès sur un rythme annuel. Ce chiffre est à mettre en rapport avec les non vaccinés par choix lors des annonces. Ils représentaient 46,4 % de la population, soit 31 millions de Français. Nous obtenons un rapport annuel de un à trente mille entre les non vaccinés par choix et les vaccinés décédés en excès.
Une telle réduction de risque mérite-t-elle de contraindre des dizaines de millions de personnes ?
La justification du passe sanitaire pourrait se formuler ainsi : « je vais t’obliger toute l’année à pratiquer un test invasif et bientôt onéreux à chaque fois que tu voudras aller au restaurant, boire un verre à la terrasse d’un café, faire des achats en centre commercial, te soigner à l’hôpital ou voir un film, parce que sinon, il y a un risque sur trente mille qu’un vacciné en meure ! »
Cette légitimation du passe est-elle convaincante ? Avons-nous trouvé le juste équilibre entre liberté et santé ? Nous laissons chacun en juger.