Protoxyde d'azote : pourquoi ce gaz hilarant ne fait pas du tout rire
Aujourd’hui vendredi 23 septembre, au tribunal judiciaire de Bobigny, s’ouvre le procès de deux trafiquants de « gaz hilarant » interpellés en mai dernier à la suite de la saisie de 1.218 bouteilles de protoxyde d’azote.Lors d’un contrôle routier, les enquêteurs du commissariat de Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) avaient surpris les deux hommes en pleine livraison et découvert plusieurs milliers d’euros dans leur véhicule.
Des dizaines de cas graves chaque annéeLes consommateurs, de jeunes fêtards, étaient livrés dans toute l’Île-de-France par ces « businessmen du gaz hilarant », qui fournissaient tout le matériel nécessaire : les crackers, de petits dispositifs inventés par les trafiquants pour percer la bonbonne de gaz ; et les ballons de baudruche, permettant d’inhaler le protoxyde d’azote.Mardi, une conductrice a foncé sur un rond-point des Champs-Élysées, blessant grièvement trois personnes. La maire du 8e arrondissement de Paris, Jeanne d’Hauteserre, a indiqué que des ballons remplis de protoxyde d’azote avaient été retrouvés dans le véhicule et que peu avant l’accident, la conductrice s’était filmée en train d’en prendre.
Sensation d’euphorieEddy, policier dans l’Essonne, observe avec effarement la circulation de plus en plus massive du protoxyde d’azote. « C’est médiatisé depuis quelques mois mais nous, ça fait deux ou trois ans, surtout dans les secteurs dits sensibles, que l’on constate cela. Avant, quand on était appelé pour du tapage, c’était souvent à cause de fêtes alcoolisées. Maintenant, on voit qu’il y a eu de la consommation de protoxyde d’azote, avec les bonbonnes qui jonchent le sol ». Le produit est prisé des fêtards, car il donne aux consommateurs une sensation d’euphorie, qui disparaît au bout de quelques minutes.
Président de la Mildeca (Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives), le docteur Nicolas Prisse évoque un phénomène « vieux de plusieurs dizaines d’années, mais qui connaît une accélération depuis 2017, avec une diffusion du produit sur l’ensemble du territoire national. On recense plusieurs dizaines de cas graves par an dont 15 % concernent des mineurs ».La sénatrice du Nord Valérie Létard (Union centriste) fait partie de ces élus du nord de la France qui, les premiers, ont souligné l’urgence à légiférer contre un usage en progression constante chez les jeunes, et « qui a été facilité, rendu encore plus accessible pendant le confinement. »
Photo R. Brunel
Brûlure, asphyxie, vertiges...Normalement conçu pour faire fonctionner les siphons à pâtisseries, le protoxyde d’azote voit son usage détourné lors de soirées festives. Avec des conséquences parfois loin d’être ludiques. Depuis 2019, la Mildeca alerte sur les risques de cette pratique : « Asphyxie par manque d’oxygène, perte de connaissance, brûlure par le froid du gaz expulsé de la cartouche, perte du réflexe de toux (risque de fausse route), désorientation, vertiges, risque de chute ». Sans compter les risques en cas d’utilisation régulière et/ou à forte dose : atteinte de la moelle épinière, carence en vitamine B12, anémie, troubles psychiques.
Le 25 mai dernier, le Parlement a adopté définitivement un texte prévoyant de punir de 15.000 € d’amende « le fait de provoquer un mineur à faire un usage détourné d’un produit de consommation courante pour en obtenir des effets psychoactifs ».De fait, la justice peut aujourd’hui frapper. En octobre 2020, deux jeunes de 25 et 27 ans ont été condamnés par le tribunal de Nanterre à huit et dix mois d’emprisonnement ferme avec incarcération immédiate, pour « trafic de substance psychotrope ».
Changement de méthode« L’affaire jugée ce vendredi prend appui sur cette loi : cela montre que la justice se saisit de ces affaires, que des enquêtes ont lieu et que les gens qui mettaient à disposition ou vendaient ces produits sont désormais poursuivis », se félicite Nicolas Prisse. Valérie Létard, elle, aurait aimé que la loi permette de sanctionner la conduite sous l’emprise de protoxyde d’azote à l’instar de la consommation d’alcool ou de stupéfiants. « On a essayé, mais techniquement, pour l’instant, c’est impossible à mesurer. »
Depuis cette vague d’arrestations à l’automne, les « trafiquants de protoxyde d’azote semblent s’être adaptés », indiquait, le 10 avril dernier, le parquet de Nanterre au Parisien. Les fourgonnettes chargées de bonbonnes et capsules, à l’arrêt sur des voies passantes comme une épicerie mobile, ont disparu de la circulation. « Dorénavant, le deal se pratique plutôt avec le concours de livreurs », relate le quotidien.
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Clermont-Ferrand interdit aux mineurs la vente, la détention et la consommation de gaz hilarant
Nicolas Faucon