La colère gronde à Intermarché Saint-Flour (Cantal)
Il est neuf heures, et pourtant, le rideau de fer d’Intermarché est toujours baissé. Sur le parvis, une cinquantaine des 75 salariés que compte la grande surface est rassemblée. Les premiers clients arrivent et posent la question : « mais qu’est-ce qu’il se passe?? ». « On défend nos droits », répond une employée.
PeurUn mouvement spontané qui porte plusieurs revendications. Financières d’un côté : les salariés réclament « une revalorisation des salaires indexée sur le SMIC », mais se demandent aussi « pourquoi la prime Covid n’a pas été touchée » et « où passe notre participation ». Et sociales de l’autre : « On est victimes d’un management par la peur », explique Marie-Thérèse Mazet, à l’initiative du mouvement.
Franchement, ça ne me fait pas plaisir d’en arriver là, mais on nous gueule dessus tout le temps, ça ne peut plus durer. Je n’en dors plus la nuit, je viens au travail avec la boule au ventre, et cela fait des mois que cela dure.
CourageSi la situation n’est pas nouvelle selon eux, le déclencheur aura été « le départ de nos directeurs de site, qui se sont mis en arrêt ce début d’année. Cela montre bien qu’ils n’en peuvent plus. La présence massive des salariés ce matin prouve bien aussi qu’il y a un fort malaise. » Et si certaines employées, des bureaux, plaident pour une ouverture des grilles, elle croit savoir que « c’est parce qu’elles ont peur des remontrances. » « C’est extrêmement courageux de leur part, car ils n’ont pas de syndicat, et très rare dans le domaine de la grande distribution », note Éric Midor, secrétaire de l’Union locale CGT de Saint-Flour, venu prodiguer quelques conseils. « Des délégués du personnel, on en avait, mais ils ont été brimés, mis sur des postes à 4 heures du matin qu’ils n’occupaient pas avant, et ils ont abandonné », avance une autre salariée.
RepriseLa fille de la directrice générale (*) prend alors la parole : « ma mère ne peut pas venir aujourd’hui, elle dit que vous pouvez laisser le magasin fermé et rentrer chez vous. » Marie-Thérèse Mazet commence alors à lever les rideaux de fer.
On ne peut pas rester fermé. La mise en place a été faite à la boucherie, à la boulangerie, on ne peut pas gâcher des produits. On ne peut pas non plus empêcher nos clients de faire leurs courses, ils en ont besoin. Comme les employés ont besoin de leur salaire.
Une décision qui ne fait pas l’unanimité, certains voulant continuer à débrayer. Mais le magasin ouvre bien au public, à 9?h?10. Sans dialogue, et sans que le malaise et la tension ne se dissipent, loin de là.
(*) La direction, à qui nous avons proposé de s’exprimer, n’a pas donné suite à nos sollicitations.
Yann Bayssat