Volleyeuse à Issoire (Puy-de-Dôme), elle intègre l'équipe de France de volley sourd : "Le sport m'a permis de m'ouvrir"
Quand on rencontre Emelyne Bonnot pour la première fois avec ses longs cheveux blonds et son large sourire, on n’imagine pas sa force de caractère. Encore moins son handicap. « Je suis née sourde et je me suis fait opérer à l’âge de 3 ans. » Emelyne a perçu un premier son grâce à un implant électronique cochléaire placé sous son crâne.
Des mois, des années de réglages et de séances d’orthophonie lui ont permis peu à peu de sortir du silence.
« Les médecins nous ont annoncé qu’il faudrait au moins quatre ans à partir de la pose de l’implant pour qu’elle parvienne à prononcer une phrase simple »
Douée, la jeune fille y arrive bien plus tôt.
Immersion avec des sourds et des entendantsOriginaires du Puy-de-Dôme, la mère et la fille emménagent à Poitiers, dans la Vienne. La fillette y intègre une classe bilingue langue des signes, avec des enseignants et des élèves sourds et entendants. C’est le déclic. « Dès son arrivée à l’école Paul-Blet, et l’apprentissage de la langue des signes, le langage s’est développé en même temps », poursuit sa mère. Pour autant, Emelyne reste introvertie.
Ses capacités sont très vite repérées par la dirigeante d’un club de volley local. Dès lors, elle ne quittera plus jamais les terrains de sport. Basket-ball, football et bien sûr volley-ball, elle pratique avec assiduité cette dernière discipline jusqu’à décrocher une place en section sportive au collège Jean-Moulin, à Poitiers.
Un goût prononcé pour la pâtisserieUne autre passion l’anime : la pâtisserie pour laquelle un retour en Auvergne se décide. C’est finalement au lycée professionnel François-Rabelais, à Brassac-les-Mines, qu’Emelyne suit un cursus axé cet art culinaire. « J’aimerais ouvrir un jour ma propre pâtisserie », rêve l’adolescente. Mais avec la pandémie de Covid-19, l’apprentissage du métier devient plus complexe.
Au lycée, les masques interdisent la lecture labiale. « Il y a un prof qui a un masque transparent », explique-t-elle. Mais pas tous. Elle peut toutefois compter sur l’aide de ses camarades de classe. Et une semaine sur deux, deux jours sont consacrés au soutien scolaire qu’elle reçoit de l’institut départemental des jeunes sourds les Gravouses (IDJS), à Clermont-Ferrand.
Chaque semaine, sa concentration se porte aussi sur le ballon de volley et son nouveau club de l’Union sportive issoirienne. À tel point qu’elle enchaîne les entraînements avec les jeunes, puis les seniors, les mardis et vendredis, de 18 heures à 20 h 30 non-stop. « En plus des matches le week-end ! »
Emelyne Bonnot occupe le poste de libéro. Photo A. Mouzat. Sur les murs de sa chambre à Charbonnier-les-Mines où elle réside, des posters de Mbappé, Griezmann et Lewandowski. Pas de stars du volley. Alors pourquoi ce sport ? « Parce que c’est le moins dangereux vis-à-vis de son implant », confie sa maman.
En Nationale 3 à l'USISon adresse et sa technique sont repérées par le coach de N3 des seniors féminines Jérôme Mialon. À 16 ans, elle occupe désormais le poste de libéro dans l’équipe issoirienne où son handicap est à peine perceptible.
« Ça lui demande pourtant énormément de concentration pour écouter ses coéquipières et entendre le sifflet de l’arbitre ou les consignes de l’entraîneur », assure Myriam, sa première supportrice. Au sein de l’équipe, celles et ceux qui l’entourent ne font pas cas de son handicap.
« Il y a une certaine bienveillance envers Emelyne. Ils sont là pour l’épauler. D’ailleurs, elle s’est attachée les cheveux pour la première fois cette année, dévoilant son implant ».
Emelyne Bonnot avec l'équipe de France volley sourd.
Le talent d’Emelyne va également s’exprimer sur les terrains nationaux et internationaux. La Puydômoise a participé à plusieurs stages de l’équipe de France de volley sourd, à Vichy. En 2023, elle participera au championnat d’Europe. Une consécration pour la jeune volleyeuse. Mais à ce stade, c’est d’abord son club de l’USI qui compte. Ce dimanche 9 janvier, avec ses coéquipières de N3, Emelyne doit défendre les couleurs de la ville d’Issoire en coupe de France, face aux formations du Volley Pradetan Gardéen, dans le Var, et au CS de Sèvres Anxaumont, son club formateur de la Vienne. « C’est la grosse pression ! » sourit Emelyne.
David Allignon