Pourquoi la course aux labels touristiques s'intensifie dans l'Allier
Alors que Billy vient de rejoindre la liste des trois Petites cités de caractère de l’Allier, et que d’autres communes bourbonnaises prétendent à ce titre, pourquoi la course aux labels touristiques s’est-elle intensifiée, ces dix dernières années, dans l’Allier ?
Une belle vitrine« Pour les communes, il y a deux intérêts principaux, répond Véronique Dufréchou, directrice du comité départemental de tourisme de l’Allier. Le premier, c’est une notoriété, une belle vitrine notamment via les médias, auprès des clientèles touristiques qui sont sensibles à ces labels comme Petite cité de caractère, Plus beau village de France. Pour elles, cela signifie la présence d’un patrimoine, de commerces et d’artisans et une démarche d’animation. Les villages étapes sont aussi identifiés par le tourisme d’affaires. C’est le gage de trouver un minimum d’accueil, des hébergements, des restaurants ».
Un accompagnement, une expertise sur des sujets nombreuxTout le territoire de Moulins Communauté (ici, la cathédrale de Moulins et la Malcoiffée) est Pays d'art et d'histoire depuis 2021. C'est le seul, dans l'Allier.
Le deuxième avantage, pour ces communes, « c’est qu’elles intègrent des labels structurés en associations nationales, parfois avec des antennes régionales. Un vrai réseau qui leur permet de bénéficier d’un accompagnement, d’échanges, de conseils sur des problématiques communes, comme la gestion des enseignes publicitaires. Le réseau Pays d’art et d’histoire, dont seule bénéficie Moulins Communauté pour l'instant, mais que vise Montluçon, va plus loin : il apporte une expertise sur les aménagements urbains, la médiation touristique et patrimoniale. Mais il y a aussi une exigence de progression sur la valorisation du patrimoine, la signalétique, l’animation ».
Ces labels collent aux aspirations des touristes, analyse la directrice, et encore plus depuis la crise sanitaire. « Ils veulent flâner dans une ville, découvrir une région en prenant le temps ».
Certaines communes recaléesSi les communes sont plus nombreuses à se lancer dans l’aventure, toutes n’y parviennent pas. « Certaines, dans l’Allier, se sont vues recalées car elles sont traversées par un grand axe routier, et là, ça ne dépend pas de la commune. Un cœur historique joli mais avec une zone d’activités à proximité est aussi rédhibitoire ».
Un label qu'il faut conserverObtenir un label demande beaucoup de travail aux municipalités et de concertation avec les habitants, car des zones de protection urbanistique sont alors étendues autour des monuments historiques et cela peut générer des contraintes administratives. Et ce label, on peut le perdre. « Ils sont révisés tous les cinq ans en moyenne. Les enjeux ont changé, les labels ont évolué dans leurs attentes, ils s’inscrivent aujourd’hui davantage dans le temps, et les obligations sont plus importantes, incluent plus de spécialités. Par exemple, le label villes et villages fleuris concernait au départ uniquement le fleurissement. Aujourd’hui, cela ne représente qu’un quart de la notation. Le reste, c’est la valorisation du patrimoine, a démarche de développement durable, l’aménagement du centre bourg, l'enfouissement des réseaux, etc ».
Des retombées économiques avérées
Spectacle son et lumières en 2019 "le Chevalier Maudit", par l'association Légendes et détours, à la forteresse de Bourbon-l'Archambault (classée Petite cité de caractère) : le patrimoine, il faut aussi le faire vivre pour prétendre à un label.
Si ces petites communes, souvent de moins de 5.000 habitants, font autant d’efforts, c’est qu’elles attendent aussi des retombées économiques de ces distinctions. « On estime que les retombées économiques supplémentaires sont de l’ordre de 20 à 40 %, selon les situations géographiques ».
Sans parler de l’effet Unesco, que vient d’obtenir Vichy et que vise Souvigny : la progression peut atteindre 50% sur certaines activités, résultat d'une notoriété internationale.
L'Allier, Souvigny, l'Unesco et le sauvetage in-extremis d'une statue du XVe siècle
Des subventions sur des projets urbanistiques« Et il y a un effet boule de neige, cela pousse d’autres artisans commerçants à s’installer, mais cela prend des années. Souvent, les communes débutent des aménagements avant l’obtention du label et les poursuivent après, mais avec, cette fois, des subventions de l‘État et de l’Europe, et de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, qui intervient pour les Plus beaux villages de France et les Petites cités de caractère ».
Ariane Bouhours
ariane.bouhours@centrefrance.com
L'agglo de Moulins, seul Pays d'art et d'histoire de l'Allier... pour l'instant. Les illuminations font partie des efforts d'animation autour du patrimoine que doivent faire les communes labellisées Ville d'art et d'histoire. Début 2021, l’ensemble du territoire de Moulins Communauté (44 communes) obtenait le label Pays d’art et d’histoire. Le seul dans l’Allier à ce jour. Le résultat d’un travail de quatre ans. La ville de Moulins était déjà labellisée Ville d’art et d’histoire depuis 1997. L’Agglo a entamé les démarches pour l’extension du label début 2017. Le dossier de candidature a été élaboré par le service patrimoine. Premier travail, sur près de deux ans : dresser l’inventaire du patrimoine bâti, naturel et des savoir-faire des communes. Ce label est loin d’être automatique, Moulins co a présenté un dossier de 200 pages avec un bilan de Moulins Ville d’art et d’histoire, une définition du nouveau territoire et les projets. Le dossier a été soumis au conseil national des Villes et Pays d’art et d’histoire, jury particulièrement difficile. Le label a finalement été attribué par le ministère de la Culture. Dans l’Allier, Montluçon aimerait être la deuxième ville à décrocher le précieux label. Le maire Frédéric Laporte en fait une priorité, convaincu que la mise en valeur du patrimoine est un levier fort pour redonner de l’attractivité à la commune. Pour ce faire, la ville a programmé plusieurs chantiers d’importance, notamment au château de la Louvière ou encore au château des ducs de Bourbon. La ville travaille aussi à la création d’un centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine (CIAP), dans les locaux d’une ancienne entreprise, où serait notamment stockées et protégées les archives et collections municipales. En fin d’année dernière, Eric Bourgougnon, l’ancien conservateur du MuPop, a été missionné pour plancher sur le dossier qui comprend également un important volet de mise en valeur du patrimoine industriel de la cité aux XIXe et XXe siècles.