Du béton au pays des tailleurs de pierre
Situé sur la commune de Villard, le pont de Tenèze enjambe la Creuse depuis 1933. Construit en béton armé, il appartient à la famille des « ponts à arcs ». Le sien, unique, affiche une ouverture de 53 mètres. La charge de 16 tonnes, prévue à l’origine, fut ramenée à 6 tonnes en 1982, puis 3,5 tonnes en 1987, relevée à 12 tonnes après des travaux de réparation au début des années 1990.
Morceaux qui se détachentLe pont sera fermé à la circulation en octobre 2017, des morceaux de béton s’étant détachés de la structure, obligeant les usagers de la RD 5, se rendant de Villard à Fresselines comme en sens inverse, à faire un détour de 7 km par la RD 951 et le pont de l’Enfer (restauré de juin à octobre 2020, après une réfection de la chaussée en 2018). Le dossier de la réparation du pont de Tenèze ou de sa reconstruction, les deux options s’avérant très coûteuses pour la collectivité départementale, est revenu sur le tapis en novembre 2021.
Presque jumeau du pont de Tenèze, celui de Lascaux, à Saint-Georges-Nigremont, souffre des mêmes maux. Construit au-dessus de la Rozeille dans les années 1934-1935 pour relier le hameau de Lascaux, peuplé de 70 habitants à l’époque, à la RD 18, il est long de 70 mètres. Inauguré le 27 septembre 1936, le pont de Lascaux, que certains trouvèrent disproportionné, ne tarda pas à montrer ses faiblesses : en 1949, les Ponts et Chaussées pointèrent des imperfections. Il se murmura dans le pays que le béton armé n’était pas d’une qualité irréprochable car des sacs de ciment auraient été détournés de leur utilisation. Racontars ou pas, la charge que le pont pouvait supporter sera limitée à 5 tonnes en 1965, avant qu’il ne soit fermé à la circulation des véhicules comme des piétons en 1970. Que faire ? Le restaurer ? Trop coûteux ! Après qu’on eut songé à le dynamiter, le pont de Lascaux est toujours debout, perdu dans la verdure.
Unique pont suspenduDepuis des siècles, les ponts en granit supportent le poids des charrois et du temps. Mais leur construction exige une main-d’œuvre coûteuse, d’où la préférence donnée au béton armé, moins onéreux sur tous les plans. Un comble dans la Creuse, pays des tailleurs de pierre ! Notre département compte d’autres ouvrages en béton : à Boussac, le pont des Roudières, avec un arc de 46 mètres d’ouverture, édifié entre 1937 et 1938 sur la Petite Creuse ; à Bourganeuf, le pont à arc du Pré de Pourioux, bâti en seulement huit mois (avril à novembre 1936), aujourd’hui disparu ; à Châtelus-le-Marcheix, les ponts de Chauverne et de Châtelus, construits pour franchir les retenues de deux barrages sur le Thaurion, le premier en 1931, sur celle de la Roche-Thalamie ; le second, en 1933, sur celle du barrage de l’Etroit. Les deux ponts sont de type « bow-string » : le tablier, faisant fonction de tirant, est accroché par des suspentes à l’arc dont les extrémités reposent sur des piles.
Au début du XX e siècle, la mise en eau du barrage de Rochebut, sur la Tardes, noya la passerelle de bois donnant accès à la chapelle Saint-Marien, sur la commune d’Évaux. Pour permettre le passage des pèlerins, la Société anonyme des Forces hydrauliques du Cher construisit un pont suspendu long de 121,50 mètres.
À chacune des extrémités, deux pylônes soutiennent chacun trois câbles, ancrés dans la roche sur chaque rive, auxquels sont reliés des haubans rigides accrochés au tablier métallique, dont d’épaisses traverses en chêne constituent le plancher. Ouvert à la circulation le 19 novembre 1921, il y a eu cent ans l’an dernier, le pont suspendu de Saint-Marien ne peut être aujourd’hui emprunté que par les piétons. Seul ouvrage de ce type dans la Creuse, il est labellisé « Patrimoine du XX siècle » depuis le 30 juin 2014.
Pratique. Sources. « Les ponts en Limousin », par Jacqueline Lombois, éditions Culture et Patrimoine en Limousin (1993) ; geoculture.fr/pont-suspendu-de-saint-marien ; site internet du Conseil départemental de la Creuse.