Présidentielle : est-il judicieux de jouer la carte femme ?
Les femmes, c’est son point faible. Électoralement parlant. Cela, les adversaires d’Éric Zemmour, dont les sorties misogynes affleurent régulièrement, l’ont très bien identifié. À commencer par Marine Le Pen qui force le trait féminin, à défaut de pouvoir dire féministe. Une nuance qui a toute son importance.
Mais une femme vote-t-elle pour autant prioritairement pour une femme ? « En partie, oui », répond la politologue Chloé Morin.
« Auparavant, Jean-Marie Le Pen avait un fort déficit de votes auprès des femmes. Sa fille l’a comblé. Pas seulement en étant une femme, mais en parlant de sujets autres qui intéressent davantage les femmes ou en adoucissant son programme »Chloé Morin, politologue au sein de la fondation Jean-Jaures. Photo DR
explique la spécialiste de l’opinion au sein de la Fondation Jean-Jaurès.
Zemmour inquiète deux femmes sur trois« On voit des candidats qui ont un différentiel de voix hommes-femmes important, donc cela veut bien dire qu’il y a quand même chez les femmes, même si on ne peut pas simplifier, certains sujets de préoccupation, certains ressentis, qui font qu’elles vont aller plus spontanément vers certains candidats ».
La défiance des femmes à l’encontre d’Éric Zemmour, malgré l’opération banderole rose « Les femmes avec Zemmour » et tous les efforts de son équipe, se lit à travers sondages et enquêtes. Fin octobre, selon l’Ifop, deux femmes sur trois affirmaient craindre pour leurs droits si jamais le candidat était élu.
La candidate socialiste Anne Hidalgo. Photo Richard Brunel
Ailleurs, sur l’échiquier politique, la carte femme est aussi très disputée pour cette édition 2022. La socialiste Anne Hidalgo n’hésite pas, par exemple, à mettre en avant son genre. Rien de nouveau.
« Ségolène Royal avait utilisé l’argument de femme et de mère à plein, même quand elle était ministre, en se faisant photographier avec ses enfants tout-petits »
Mais c’est « à double tranchant », estime Chloé Morin. « Oui, quand une candidate parle des difficultés d’être une femme dans le milieu politique, les intéressées peuvent s’identifier. Cela crée une forme de proximité, mais de là à en faire un argument de vente ».
La candidate LR Valérie Pécresse. Photo Florian Salesse
Car « je dirais que l’opinion est plus ambiguë que cela », ajoute Chloé Morin, en raison de la permanence d’un « certain nombre de clichés » : « le fait d’être une femme est associé à moins d’autorité et moins de compétences. Voilà pourquoi il y a deux lignes : celles qui disent qu’il faut juger les femmes et les hommes à égalité et donc exclusivement sur la base de leurs compétences, et d’autres qui jouent davantage de leurs atouts et qui font comme si le fait d’être une femme apportait un supplément de quelque chose. Du type “je comprends mieux les choses” ou “j’ai un management plus humain parce que je suis une femme”. C’est un peu ridicule à mon avis, mais c’est suggéré par certaines candidates ».
Violences faites aux femmes : l'impossible impasseCandidat ou candidate, plus personne ne peut plus, par ailleurs, faire l’impasse sur les violences faites aux femmes, devenues un véritable sujet de société. « Tous les partis se sont emparés de la question ». Dans la majorité, ce sont les ministres Elisabeth Moreno et Agnès Pannier-Runacher qui volent au secours d’Emmanuel Macron, avec la sortie en librairie, jeudi dernier, de leur programme féministe en vingt mesures. « Je pense à toutes les femmes de France », lançait Valérie Pécresse, lors de sa victoire au Congrès, début décembre. Mais attention point trop n’en faut. « Sortir la carte femme, à droite, c’est donner un gage de modernité, mais derrière il n’y a pas d’autres réalités en termes de mesures », souligne la politologue.
La candidate LR avait d’ailleurs pris soin de préciser auparavant qu’elle n’était pas une « féministe contre les hommes », histoire de rassurer le quota peu progressiste parmi son électorat. Mieux vaut éviter de passer pour une néoféministe castratrice d’hommes blancs hétéros. Car ils votent… aussi.
Florence Chédotal Follow @FlorChedotal
« On a les politiques qu’on mérite », par Chloé Morin, Fayard. Sortie le 9 février prochain.