A Riom, l'exposition "Passeurs de secrets" ouvre une porte sur le monde des guérisseurs et de la sorcellerie en Auvergne
C’est un monde de secrets et de mystères, qui suscite à la fois de l’attente, de l’incompréhension et toutes sortes de fantasmes. Durant ces trois dernières années, les "collecteurs" de l’Agence des musiques des territoires d’Auvergne (Amta), installée à Riom, sont partis à la rencontre des panseurs, rebouteux, charmeurs et autres magnétiseurs installés dans le massif du Sancy.
Trois années à arpenter un territoire en suivant le fil du bouche-à-oreille, d’un village à un autre, d’un hameau au suivant, pour récolter des témoignages sur ces pratiques ancestrales de guérison et, surtout, les modes de transmission de ces "dons naturels" par ces "passeurs de secrets".
"Entrer dans ce monde complexe"Le fruit de ces rencontres avec, souvent, "monsieur et madame tout le monde" est actuellement présenté à la chapelle des écoles d’art de Riom, à travers une exposition à la fois ethnographique et artistique. Sur le fond, "on ne parle pas de croyances, on propose d’entrer dans ce monde complexe, qu’on a du mal à palper, pour dire qu’il existe, explique David de Abreu, directeur de l’Amta. Par exemple, à Égliseneuve-d’Entraigues, on a recensé 19 guérisseurs pour 300 habitants ! On est ici à un carrefour entre des terres d’élevage où, les vétérinaires coûtant parfois cher, on fait encore beaucoup appel aux guérisseurs aujourd’hui."
Une cuisine reconstituée pour écouter les témoignages sonores de guérisseurs.
La forme, elle, se veut très épurée, contemporaine. Pour entrer dans cet univers mystérieux, il est possible de s’installer à une table en formica, dans une fausse cuisine, à la place finalement des collecteurs de l’Amta, pour écouter des témoignages sonores de guérisseurs. D’observer un film qui met en images ces rencontres dans le Sancy. Ou bien même de mettre le nez dans les mauvais sorts, à travers un "petit musée de la sorcellerie" qui expose des objets dénichés à travers l’Auvergne : là des "pierres à venin" censées soigner les morsures de serpent ; ici cet exemplaire du Petit Albert, livre contenant des recettes pour tomber amoureux ou avoir de la chance ; là encore ces deux poupées ligotées ensemble et transpercées d’un clou, ou ces histoires de chouettes clouées sur les portes pour protéger les maisons.
Un petit musée de la sorcellerie accueille les visiteurs à l'entrée de l'exposition.
En quête du patrimoine oral"Le cœur du métier de l’Amta est d’aller chercher le patrimoine oral et de l’inscrire dans une dimension contemporaine, resitue David de Abreu. Notre base, ce sont la danse et la musique. Mais on élargit ces thématiques, on peut parler de recettes de cuisines, d’histoires en lien avec un territoire…"
Avec le temps, l’Amta, créée en 1985, dispose désormais d’une base de données extrêmement riche. Autant de témoignages, comme ceux des guérisseurs, que l’agence veut "mettre à disposition pour que les gens s’en servent pour construire l’homme du XXIe siècle. Et à l’instar du patrimoine matériel, le patrimoine immatériel peut aussi donner une couleur aux territoires et les démarquer."
Les élèves riomois exposent. Cette exposition présentée par l’Amta est complétée d’une seconde, avec les œuvres des élèves de l’école d’art présentées sur les murs de la chapelle. "C’est la première fois, depuis notre installation aux Jardins de la Culture, que nos élèves exposent dans cette chapelle, note Alexandre Roccuzzo, directeur de l’école d’arts plastiques. On est finalement aussi ici dans un lieu de passage, de transmission de savoir-faire, même s’ils ne sont peut-être pas aussi secrets…"
Pratique. Déjà présentée à Égliseneuve-d’Entraigues l’été dernier en lien avec la communauté de communes du Massif du Sancy, l’exposition "Passeurs de secrets" est à découvrir jusqu’au 12 mars dans la chapelle des Jardins de la Culture à Riom. Rendez-vous du mercredi au vendredi de 13 h 30 à 17 heures et le samedi de 10 heures à midi et de 13 h 30 à 17 heures, ou sur rendez-vous. Entrée gratuite, pass sanitaire obligatoire. Infos au 04.73.66.06.61.
Arthur Cesbron