Primaire populaire : le plus dur reste à faire pour Christiane Taubira
Comme attendu, Christiane Taubira a remporté la Primaire populaire. Mais, de la désignation à l'union, il y a loin. Alors candidature commune ou candidate de plus à gauche ?
C’est avec 79 % d’avis positifs allant de « très bien » à « assez bien » que Christiane Taubira a survolé, dimanche, la Primaire populaire, devançant dans l'ordre Yannick Jadot, Jean-Luc Mélenchon, Pierre Larrouturou et Anne Hidalgo.
À la clôture du vote, selon les organisateurs, très précisément 392.738 inscrits ont participé, soit un taux de 84,1 %.
« J’appellerai Anne (Hidalgo), j’appellerai Yannick (Jadot), j’appellerai Fabien (Roussel) et j’appellerai Jean-Luc (Mélenchon) », a le soir même martelé l’ancienne garde des Sceaux dans l’euphorie et l’espoir, vraisemblablement vain, d’une candidature commune, la sienne, à gauche. Certes, il lui reste pour convaincre plus d’un mois avant le dépôt des candidatures. Mais Christiane Taubira était la seule à promettre un ralliement derrière le vainqueur de la primaire…
Dynamique espérée« Plus de 390.000 votes, pointe Tristan Haute, maître de conférences en science politique à l’Université de Lille, c’est beaucoup pour une initiative qui s’est improvisée en dehors des partis, mais c’est bien moins qu’aux primaires partisanes, à droite comme à gauche. L’enjeu était, il est vrai, potentiellement moins clair. »
Il y a ce résultat, attendu, et il y a la personnalité, reconnue : « On savait que Christiane Taubira allait gagner parce que les autres candidats ne se sont pas investis dans la Primaire populaire. Ce qui leur permet d’en relativiser et le résultat et la portée. Ainsi, sans dynamique puissante et immédiate, cette onction de la gauche citoyenne, voulue en dehors des rivalités de partis, pourrait-elle n’avoir pour effet que de diviser un peu plus son camp. Reste que Christiane Taubira incarne nombre de marqueurs de la gauche. Ce qui lui vaut d’être perçue comme un recours sérieux et crédible. Et la Primaire populaire en fait une candidate moins hors sol, avec une base électorale potentielle. »
La politique autrementD’autres l’ont précédée sur cette voie. « En novembre 2020, rappelle le politiste, Jean-Luc Mélenchon avait réuni les 150.000 parrainages auxquels il avait conditionné sa candidature. Yannick Jadot a, lui, gagné la primaire écologiste. Mais si le premier a fait de l’abstention populaire son réservoir de votes, le second partage avec Anne Hidalgo et Christiane Taubira le même créneau électoral. »
La Primaire populaire semble aussi accuser les limites du genre. « D’aucuns, analyse Tristan Haute, y ont vu un casting, pas le choix d’un programme. Car si la demande de politique est toujours forte, ses modalités sont remises en cause. Dans les jeunes générations, le vote et l’élection sont jugés peu efficaces et peu représentatifs au regard des pétitions, des manifestations, de la consommation engagée, etc. Par ailleurs, à la Primaire populaire comme à toutes les primaires, ce sont les fractions souvent les plus diplômées, parce que les plus intéressées par la politique, qui votent. Le problème de la gauche est toutefois que ce sont les intermittents du vote, sans doute peu présents à cette primaire, qui détiennent la clé de son succès ou de son échec… »
Jérôme Pilleyre
Lire. Tristan Haute et Vincent Tiberj (dir.), Extinction de vote??, PUF, décembre. 2021, 9 euros